SOURCE ET SUITE
AVEC LES VIDEOS A VOIR ICI ET LA ..POUR CEUX QUI ONT LE COEUR BIEN ACCROCHE
Comme si elle cherchait une confirmation, un assentiment, elle jette
un bref regard à gauche de la caméra qui la filme. On ne saura pas sur
qui ni sur quoi, on apprendra en revanche que Nili Hadida, la chanteuse
du groupe Lilly Wood and the Prick, ne veut plus rien avoir à faire avec
ce qu'elle vient de dénoncer et que, par conséquent, elle ne mange plus
d'animaux. Comment lui en vouloir? Les images révélées par l'association L214 sont d'une atrocité rare. Il faut avoir le récit de Jean-Luc Daub, Ces bêtes qu'on abat, Journal d'un enquêteur dans les abattoirs français,
pour comprendre que l'abattoir de Vigan est loin d'être un cas isolé.
Il faut avoir vu "Earthlings", le documentaire de Shaun Monson sur les
violences faites aux animaux et raconté par l'acteur Joaquin Phoenix
pour se confronter à des images aussi insoutenables. Comment ne pas
respecter le travail de l'association L214 puisqu'elle est l'une des
seules à révéler ce qui se passe derrière les murs des abattoirs
français? Dans un contexte de crise, de réduction du personnel dans les
services d'hygiène et vétérinaire, et donc de moindre contrôle sur les
établissements d'abattage, mais aussi de transformation de viande, ces
images, ces documents sont précieux.
Reste que le choix de cet
abattoir, un abattoir certifié AB (agriculture biologique), ce qui ne
veut pas dire grand chose sinon que l'équipement et les pratiques
répondent à un cahier des charges dont personne ne vérifie l'application
au quotidien, n'est évidemment pas anodin. En attaquant Le Vigan,
l'association L214 s'attaque à un concept, une idée, et peut-être plus
qu'une idée, une volonté: la viande heureuse. On ne sait pas trop ce que
c'est sinon celle que nous, les omnivores, nous voudrions tous manger.
C'est la viande d'un animal élevé décemment, dans le respect de ses
besoins et tué selon les mêmes exigences. On voudrait que l'animal n'ait
pas été transporté pendant des heures d'un bout à l'autre du pays. On
voudrait qu'il n'ait pas vu la mort venir. On voudrait qu'il ait été
traité avec respect, jusqu'à ce qu'il se soit trouvé dans le piège, où
l'on voudrait qu'il ait été étourdi avant d'être tué, sans qu'il ait
bien évidemment eu le temps de se réveiller entre ces deux opérations.
C'est le mieux que nous puissions espérer, cela ne devrait pas s'appeler
la viande heureuse, puisqu'il y aura eu mort, c'est ce à quoi nous
devrions penser lorsque nous prononçons le mot viande.
Il
semblerait pourtant que la viande que nous consommons n'ait pas grand
chose à voir avec celle que nous mangeons. C'est tout du moins ce que
L214 voudrait que nous pensions, et à défaut de pouvoir leur prouver le
contraire, nous sommes contraints de leur donner raison. C'est ce qu'a
d'ailleurs fait la Confédération française de la boucherie dans la
foulée de cette publication en réclamant, à l'instar de L214, une
commission d'enquête parlementaire sur les abattoirs. Alliance de
circonstance. Car si l'on voit mal les bouchers jeter leur tablier,
l'association L214 voudrait pourtant qu'ils le fassent. Ses membres se
réclament d'une idée, l'antispécisme, qui met sur le même plan la
discrimination entre espèces (ici, l'humain d'un côté et, de l'autre,
tous les animaux que nous abattons), que la discrimination entre sexe,
dite sexisme, ou la discrimination entre races, dite racisme. Celle-ci
se fonde sur la reconnaissance d'une capacité à souffrir chez l'homme
comme l'animal. Comment nier en effet, lorsqu'on voit ces images, qu'un
animal ne ressente pas la douleur ou ne puisse pas souffrir? N'importe
qui ayant vécu avec un animal de compagnie ou des animaux de ferme le
sait, ces animaux sont des êtres sensibles et conscients. Par
conséquent, estime l'antispécisme, il ne faudrait plus leur infliger
aucune souffrance à commencer par leur retirer la vie.
......
........ Si nous devons continuer à manger de la viande, acceptant par là-même
la responsabilité qui est la nôtre depuis que nous avons choisi de
vivre avec ces espèces animales, alors c'est aussi ce que nous devrions
faire et réduire à zéro le risque d'accident. Cela impliquerait de
réformer en profondeur l'abattage en abattant à la ferme et dans des
abattoirs de proximité, d'accepter que la viande soit donc beaucoup plus
chère, et par conséquent d'en manger beaucoup moins. C'est peut-être
ainsi que nous prendrons conscience que la consommation de viande n'a
rien d'anodin.
Dans un très beau texte, le zooanthropologue
François Poplin rappelait il y a quelques années que c'est pour résoudre
le dilemme de la mise à mort d'un animal qui nous était devenu proche
que l'homme a inventé Dieu. En attendant que nous ayons collectivement
décidé du sort de ces animaux, puissions-nous nous rappeler cette
sacralité et leur offrir une mort digne de ce qu'ils sont.
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