Lili Gondawa, vegan depuis sept ans et contributrice régulière au site spécialisé Vegactu témoigne:
«Je me suis éloignée des gens qui ne comprenaient pas ma démarche ou me renvoyaient quelque chose de négatif: de toute façon, cela marche dans les deux sens car je ne comprenais pas non plus leurs tentatives pour essayer sans succès de justifier la consommation de viande. Les avancées sociétales, historiquement, sont toujours dues à une minorité qui les a réclamées en se battant politiquement et médiatiquement et non, comme on pourrait spontanément le penser, à une propagation continue de l’idée dans toute la société.»Ce rejet du véganisme s’exprime par différentes stratégies de contre-attaque. Dans une brochure dédiée à la végéphobie, Yves Bonnardel et Sara Fergé dissèquent les moqueries habituellement entendues. L’éloge du goût de la viande. Le refus brut du débat sur la souffrance animale, qui peut s’incarner par le fameux «cri de la carotte». Ou la caricature de la sensibilité du vegan. Dans Apologie du carnivore, l’éthologue Dominique Lestel considère par exemple que «le refus de manger de la viande repose sur une vision waltdisneyenne du monde».
Dans le «Que sais-je?» dédié au véganisme, Valéry Giroux et Renan Larue analysent cette posture: «Manger de la viande signalerait la maturité affective et la virilité; à l’inverse, l’exigence de justice envers les animaux serait la marque infamante des petites filles ou des hommes efféminés.»
Dissonance cognitive, quand nos actes contredisent notre pensée
Selon Martin Gibert, auteur de Voir son steak comme un animal mort et rédacteur en chef de la revue québécoise Véganes, «la cause de cette exclusion est plus psychologique que sociale. C’est lié à la dissonance cognitive».Ce terme désigne la tension qu'une personne ressent lorsqu'un comportement entre en contradiction avec ses idées. Ce concept a été formulé pour la première fois par le psychologue américain Leon Festinger dans son ouvrage A theory of cognitive dissonance (1957).
«La plupart des gens ont de l’empathie pour les animaux, mais en même temps, la plupart des gens consomment des animaux, poursuit l’auteur canadien. Il y a donc une tension “J’aime les animaux, mais je consomme des animaux”. Pour sortir de cette dissonance cognitive, il y a plusieurs options. A/ Je change mon comportement. En arrêtant de manger les animaux, je deviens cohérent avec mes idées. B/ Je minimise les conséquences négatives de mon comportement et me persuade par exemple que non les animaux ne souffrent pas. Avec cette piqûre de rappel “ce n’est pas vital de manger de la viande”, le vegan met l’omnivore sur la défensive. La végéphobie va au contraire le conforter dans l’idée que non, c’est impossible d’être vegan. Il va surnommer le vegan de “religieux”, “sectaire”, ou de “hippie”, c’est une façon de se protéger, de contre-attaquer. Il se persuade ainsi qu’il a fait le bon choix, en se disant: “Je ne veux pas leur ressembler”.»Ces attaques végéphobes ont pour conséquence de détourner des vegans, souvent isolés, de leur motivation. C’est ce qu’on appelle le «coût social». Selon une étude américaine de 2002, le manque de soutien de l’entourage, était l’une des premières raisons qui décourage les individus du véganisme. Mais grâce au développement des réseaux sociaux, l’instauration de la Veggie Pride en 2001 et le partage d’une culture commune, commence à se constituer une véritable communauté végane. Et avec elle, une réponse à la végéphobie.
Anne Guth, la co-fondatrice de l'entreprise lorraine de fromages vegans, affirme que les moqueries ou attaques ne lui font «ni chaud ni froid. J’ai même au contraire beaucoup de compassion pour ces gens qui sont encore dans cet enfermement. Je ne ressens ni colère ni haine. Je n’ai pas envie de les critiquer, ni de les montrer du doigt parce que j’ai été mangeuse de viande également. Qui sait si ce n’est pas moi, avant de devenir végétarienne puis vegan, qui n’aurais pas pu larguer des commentaires débiles comme ça?»
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