SOURCE ET SUITE
ILS Y ONT POURTANT TOUS CRU..
Une Allemagne ingouvernable ?
Quel que soit le résultat des tractations de ces
prochains jours, il est clair que l’Allemagne restera ingouvernable, et
ce même si une coalition finissait par voir le jour. De fait, elle butte
sur ce que l’on pourrait appeler une « triangle d’impossibilité »,
terme connu des économistes, sur la question de l’austérité, la question
du fédéralisme européen et celle des migrants. A cela s’ajoute le
problème posé par la personnalité même de Mme Merkel. Incontestablement
une redoutable manœuvrière d’un point de vue tactique, elle a cependant
perdu de vue les questions stratégiques fondamentales, et elle a trop
promis et pas assez tenu dans sa dernière mandature.
Elle ne survit, au sein de la CDU-CSU que parce
qu’elle n’a pas de remplaçant crédible, et s’il en va ainsi c’est aussi
qu’elle a tout fait pour qu’aucune figure susceptible de la remplacer
n’émerge dans la CDU-CSU. Mais, elle est loin de faire l’unanimité dans
sa propre alliance, et l’on peut penser que les « Sociaux-Chrétiens
Bavarois » (la CSU) verrait son départ plutôt d’un bon œil. Il en va de
même pour les libéraux du FDP et les populistes de l’AfD. Quant aux
Sociaux-Démocrates du SPD, ils lui reprochent et son attachement à
l’austérité et son opportunisme dont ils ont tant souffert. De fait,
Mme Merkel ne peut compter réellement que sur une fraction de la CDU et
des Grunen pour la soutenir. Cela fait peu. Encore une fois, son
remplaçant potentiel aurait, à l’heure actuelle, un problème aussi
difficile à régler. Mais, survivre faute de remplaçant n’est pas vivre…
Les conséquences internationales
Si l’Allemagne va donc être ingouvernable pour les
mois à venir, et peut-être pour des années, les conséquences
internationales doivent en être tirées. Emmanuel Macron, qui se verrait
bien en successeur à l’échelle européenne de Mme Merkel est loin d’avoir
fait ses preuves. Il est isolé, et sans crédibilité internationale. Son
projet pour l’UE, qui est incontestablement un projet fédéral, va de
plus se heurter à une fin de non recevoir de la part de l’élite
politique allemande. Dès le début de l’année prochaine, il deviendra
évident que les grands projets auxquels Emmanuel Macron à voulu attacher
son nom ne se réaliseront pas. Même la cure d’austérité, à laquelle sa
politique condamne la France, sera sans objet. Car, cette cure
d’austérité a pour raison officielle la volonté de reconstruire la
crédibilité européenne de la France afin que celle-ci puisse peser dans
les choix européens à venir. Or, ces choix ont été largement pré-emptés
par le résultat des élections allemandes de septembre dernier. Ils sont
condamnés de fait par l’immobilisme dans lequel l’Allemagne, faute de
ligne politique, va s’enfermer.
Or, le projet d’Emmanuel Macron n’est pas le seul en
lice. Les pays de l’ancienne Europe de l’Est, Pologne, Hongrie,
Slovaquie voire République Tchèque, auxquels il faut ajouter désormais
l’Autriche, sont en train de constituer une « front » qui s’opposera à
toute avancée de l’UE vers le fédéralisme.
Cette situation de blocage va provoquer, probablement
au printemps prochain, un renouveau de la crise de l’Euro. Car, fors
l’hypothèse de la mise en place d’un réel budget fédéral (avec ce qu’il
implique comme transferts de la part de pays comme l’Allemagne), l’Euro
ne peut pas fonctionner. Toute remontée, même faible, des taux
d’intérêts condamnera sans appel des pays comme l’Italie, l’Espagne ou
le Portugal.
Ce qui se joue donc en Allemagne aujourd’hui va donc
bien au-delà d’une crise politique traditionnelle. C’est l’existence de
l’Union européenne qui est désormais en jeu.
Jacques Sapir
25 novembre 2017
25 novembre 2017
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