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Pour les
vaches « sauvages », l’actualité est une nouvelle fois sanglante : en
février 2016, une vingtaine d’entre elles ont été tuées par des
chasseurs.
Régulièrement,
des vaches sont en effet tuées à bout portant à la frontière catalane.
Leur crime ? Ne pas faire partie d’un élevage mais être « sauvages » ;
autrement dit, vivre en étant indépendantes des humains. Abandonnées il y
une vingtaine d’années par un éleveur cessant son activité, ces «
vaches errantes » ont vu leur nombre augmenter progressivement et il est
aujourd’hui estimé entre 300 et 400 animaux.
L’adaptation
remarquable dont ces bovins ont su faire preuve n’est en fait pas si
étonnante lorsqu’on sait qu’à l’autre bout de la frontière
franco-espagnole, du côté basque, quelques 600 vaches de race betizu
(prononcer bétissou)
vivent de façon quasi ou totalement sauvage, essentiellement dans les
Pyrénées espagnoles, une petite centaine du côté français. Certains
estiment qu’elles sont les plus proches parentes des aurochs du
néolithique, d’autres qu’elles seraient issues de vaches domestiques
retournées il y a bien longtemps à l’état sauvage, mais cette
incertitude quant à leur origine n’enlève rien à leur particularité
d’être des vaches autonomes. Petites, légères et agiles, les belles
Betizus sont parfaitement adaptées à leur environnement montagnard
escarpé, couvert de bois et de landes. Et, elles aussi, sont « régulées »
au fusil.
Du côté des
Landes, une soixantaine de vaches de race marine connaît une
semi-liberté : ce sont les rescapées de ces petites vaches alertes qui
peuplaient jadis les marais, les forêts et les dunes de la région, avant
d’être pour ainsi dire exterminées entre 1940 et 1950. Leur présence,
attestée depuis au moins le XVIIIe siècle, serait liée à une forme
d’élevage très extensif. Ces animaux sont aujourd’hui acceptés parce
qu’ils vivent dans des endroits semi-marécageux où les humains vont
rarement, et allaient autrefois surtout pour les tuer lorsque l’envie
leur venait de les manger, ou de les capturer pour s’amuser à leurs
dépens lors de courses. Aujourd’hui, soigneusement contrôlées, elles
sont protégées au titre de la biodiversité et parce qu’elles participent
à « la gestion des milieux humides ». De leur côté, en broutant, les
vaches catalanes maintiennent les espaces ouverts, ce qui lutte contre
les incendies.
Mais Betizus
et vaches catalanes dérangent, leurs déplacements sont perçus par
beaucoup comme des « divagations » et leur liberté semble intolérable.
Lors de l’été caniculaire de 2015, des vaches catalanes se sont
approchées de jardins où, à la recherche d’eau et de nourriture, elles
ont brouté des fleurs et se sont aventurées dans des potagers,
escaladant murets et clôtures, traversant routes et autoroutes. Elles
l’ont payé de leur vie, vingt-cinq vaches, veaux et taureaux ont été
tués par des chasseurs à la demande des autorités, pressées de
satisfaire une population « excédée » par leurs dégradations. En février
2016, nouvelle tuerie avec vingt animaux abattus.
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semblerait
ainsi que les animaux ne puissent désormais exister en France que s’ils
entrent dans des catégories bien définies. Les bovins doivent être
domestiqués et sous le joug humain. Les animaux dits « sauvages » sont
de leur côté tolérés s’ils ne présentent aucun désagrément pour les
humains (ainsi les loups sont-ils activement combattus parce qu’ils
s’intéressent aux moutons, propriétés humaines destinées à l’abattoir)
et parce qu’ils sont source de distraction pour les chasseurs. Quant aux
espèces protégées, elles sont acceptées puisque perçues comme
bénéfiques à la biodiversité, à l’environnement et souvent aussi au
tourisme, mais les individus ne comptent pas et leurs populations
peuvent être « régulées ». Les bouquetins du Bargy, théoriquement
protégés sur tout le territoire national depuis 1981, sont par exemple
actuellement massacrés par centaines sous le prétexte, très controversé,
qu’ils seraient porteurs de la brucellose, maladie qui serait
transmissible aux animaux d’élevage et qu’ils auraient eux-mêmes
attrapés par des bovins…
Les vaches
sont des animaux intelligents et sensibles, elles ressentent des
émotions telles que l’affection, la rancune ou la tristesse, elles sont
capables de s’organiser en troupeaux autonomes, mais cela ne les sauvera
pas. Ces vaches affranchies de l’asservissement humain sont en sursis
ou condamnées, à moins peut-être d’intégrer la catégorie « biodiversité »
ou tout autre statut les protégeant plus ou moins efficacement des
balles ou du couteau du boucher, et ce tant qu’on y trouvera un intérêt.
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