L'Assemblée a adopté hier soir une disposition qui reconnaît aux animaux la qualité symbolique «d'êtres vivants doués de sensibilité».
Les animaux de compagnie et d'élevage seront désormais considérés en France comme des «êtres vivants doués de sensibilité» et non plus comme des «biens meubles».
Un amendement socialiste, introduit en première lecture à l'Assemblée, précise que «les animaux sont des êtres vivants doués de sensibilité» et que «sous réserve des lois qui les protègent», ils «sont soumis au régime des biens corporels».
Les députés ont entériné l'amendement la nuit dernière.
Le texte devrait passer au Sénat, fin novembre et devrait rejeter le projet de loi. L'Assemblée, qui a constitutionnellement le dernier mot, procédera ensuite à une ultime lecture.
Cette harmonisation a pour but de répondre à des décisions européennes qui ont déjà reconnu aux animaux une sensibilité. Elle permettrait aussi d'aligner le Code civil de 1804 sur les Codes rural et pénal.
Mais si plusieurs personnalités se sont emparées du sujet à l'image du moine bouddhiste Mathieu Ricard (lire interview), pour défendre la cause animale, les milieux agricoles voient dans cette nouvelle réglementation une entrave possible à l'exercice du métier d'éleveur. Ces derniers craignent une avalanche de recours de la part d'associations écologistes qui pourraient pénaliser la bonne exploitation d'un élevage. Autre écueil mais qui semble désormais levé : les chasseurs, inquiets pour l'avenir de leur hobby. Mais la loi ne vise que les animaux dits «appropriés» c'est-à-dire les animaux de compagnie. L'idée d'appliquer la loi aux animaux sauvages comme le cerf, ou le sanglier a été abandonnée tout comme celle d'inclure la corrida dans le nouveau dispositif légal.
Matthieu Ricard, moine bouddhiste tibétain*
POUR : «Eviter aux animaux toute souffrance inutile»
Espérez-vous une avancée sur les droits des animaux avec la loi en cours de vote ?J'espère de toute ma raison que cette loi passera dans sa version la plus aboutie Ce serait incompréhensible au XXIe siècle de désigner encore des animaux comme des meubles. Mais cette loi n'est qu'une harmonisation de notre Code civil avec le Code rural et le Code pénal. Même les institutions européennes ont déjà pris position en déclarant que les animaux étaient doués de sensibilité.
Pourtant cette loi inquiète de nombreux milieux économiques et notamment les éleveurs…
Tout d'abord, il fallait aller vers cette loi pour mettre le droit en harmonie et en cohérence avec nos différents codes et les lois européennes déjà en vigueur. Ensuite, sur le fond, il ne faut pas penser que cette loi changera immédiatement la chasse, l'élevage industriel, etc. En effet, beaucoup de secteurs bénéficieront de nombreuses exemptions ; il ne faut pas s'inquiéter pour l'élevage industriel notamment. L'animal est reconnu pour ce qu'il est : un être sensible. Mais petit à petit, les changements feront leur chemin dans les esprits.
Que répondez-vous aux contradicteurs de cette loi qui pointent du doigt des inspirateurs du texte qui sont des urbains n'ayant pas de réelle connaissance du monde rural ?
C'est absolument faux. Il n'y a pas que des citadins qui se sont penchés sur la condition animale. De nombreux éthologues étudient la vie des animaux et vivent dans le biotope. Il n'y a pas un être humain doué de raison pour soutenir qu'un animal est un bien meuble !
Est-ce que ce nouveau texte donnera des moyens supplémentaires aux associations pour défendre la cause animale ?
J'espère surtout qu'il fera prendre conscience à tous les acteurs de la chaîne d'élevage animal qu'il faut commencer par respecter les règles et les lois déjà existantes. Ce serait un minimum. On abat 1,5 milliard d'animaux par an en France ; il faut à tout prix éviter toute souffrance inutile. Les animaux ressentent la douleur ; cela a été prouvé scientifiquement. Ce ne sont pas des produits agricoles, ni des machines à faire de la saucisse !
* Auteur de «Plaidoyer pour les animaux» aux Editions Allary
Dominique Barrau, Secrétaire générale de la FNSEA
CONTRE : «Il faut protéger le métier d'éleveur»
Secrétaire général de la FNSEAComment le monde agricole vit
l'arrivée de cette nouvelle loi ?
Nous considérons qu'avec le Code rural existant ainsi qu'avec tous les efforts réglementaires ou volontaires de la part des éleveurs à l'égard des animaux et de leur traitement, les agriculteurs en font assez. Il ne faut pas perdre de vue que la première préoccupation de l'éleveur est d'avoir des animaux qui se portent bien. On parle bien de l'œil de l'éleveur !
Pourquoi ce nouveau statut des
animaux vous dérange ?
On ressent bien l'attachement nouveau de certains adultes, souvent jeunes adultes, aux animaux quels qu'ils soient. Ce sont souvent des personnes qui connaissent mal le monde agricole et rural. Ils établissent un parallèle entre l'homme et l'animal d'une façon trop simpliste et caricaturale. C'est sous la pression de ce mouvement de pensée que la loi va modifier notre métier et même le compliquer.
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