Interdites après la crise de la vache folle, les farines animales feront leur retour sur le marché européen, à compter du 1er juin.
L'annonce résonne étrangement, en plein scandale de la viande de cheval : la Commission européenne a indiqué, jeudi 14 février, que les poissons d'élevage pourront à nouveau être nourris avec des farines de porc et de volailles à compter du 1er juin. Ce mode d'alimentation avait été totalement interdit dans l'Union européenne (UE) en 2001, après cinq années de crise de la "vache folle" due à une épizootie d'encéphalopathie spongiforme bovine (ESB).
C'est une mesure qui "tombe mal", a estimé vendredi le ministre français de l'agroalimentaire Guillaume Garot. La décision a pourtant été approuvée par les experts des Etats membres dès juillet 2012. Elle prévoit d'autoriser le recours à des "protéines animales transformées" (PAT) qui ne présenteraient pas les mêmes risques que les farines animales produites jusque dans les années 1990 pour nourrir poissons, poules ou mammifères d'élevage. Ainsi les PAT ne seraient fabriquées qu'à partir de produits d'abattage propres à la consommation humaine et prélevés sur des animaux sains, quand les farines ont longtemps utilisé toutes sortes de sous-produits de carcasses.
PROSCRIRE LE CANNIBALISME
Pour Bruxelles, cette décision "améliorera la durabilité à long terme du secteur de l'aquaculture, car ces PAT pourraient être un substitut précieux aux farines de poisson, qui sont une ressource rare". "Elle est conforme aux avis scientifiques les plus récents selon lesquels le risque de transmission d'ESB entre animaux non ruminants est négligeable, pour autant qu'il n'y a pas de recyclage entre les espèces." En clair : il faut proscrire le cannibalisme. Interdit donc de nourrir les porcs ou les volailles avec des farines issues de leur propre espèce, ce qui se pratiquait auparavant.
En effet, si l'autorisation ne concerne pour l'instant que les produits de l'aquaculture, la Commission européenne "entend proposer une autre mesure pour réintroduire l'utilisation des PAT de porc et de volailles pour les volailles et les porcs", même si cette décision ne devrait pas intervenir avant 2014. L'interdiction pour les ruminants (bovins, ovins et caprins), décidée dès 1997, serait en revanche maintenue, de même que les PAT de ruminants à destination des animaux d'élevage non ruminants, bien que "la situation épidémiologique actuelle montre que l'UE est désormais dans la phase finale de l'éradication de l'ESB au sein de son cheptel bovin".
"UN VÉRITABLE ESPRIT DE RESPONSABILITÉ"
L'industrie agroalimentaire peut-elle garantir le respect de cette alimentation croisée en ne mélangeant pas les circuits de production et de distribution des farines de porc et de volaille ? Beaucoup en doutent, même si des tests permettent théoriquement de vérifier la conformité des farines. L'épisode des lasagnes au cheval étiquetées pur bœuf risque à ce titre de renforcer les suspicions.
"La France s'était prononcée contre cette disposition européenne", a indiqué le ministre français de l'agroalimentaire, qui a rappelé que la disposition de Bruxelles ne rendait "heureusement" pas obligatoire l'utilisation des farines animales. "Il faudra la mettre en œuvre au plan français avec un véritable esprit de responsabilité de nos industriels", a-il ajouté. En octobre 2011, l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) avait émis un avis négatif au retour des farines animales, estimant que "les conditions permettant une utilisation sécurisée des PAT ne sont pas à ce jour totalement réunies".
Le précédent ministre de l'agriculture, Bruno Le Maire (UMP), avait affirmé en 2011 que "les farines animales ne seraient pas réintroduites en France tant qu'il serait ministre de l'agriculture". Nul doute que l'actuel titulaire du portefeuille, Stéphane Le Foll (PS), sera très attendu sur le sujet.
Source Le Monde.fr / Grégoire Allix
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire