SOURCE ET SUITE
L’expulsion des diplomates a sidéré les Russes.
Pendant des jours ils se sont gratté la tête : Qu’est-ce qu’ils
attendent de nous ? Où est la ligne rouge véritable ? Trop d’évènements
qui n’avaient aucun sens, pris séparément. Pourquoi l’administration
chassait-elle soixante diplomates russes ? Est-ce qu’ils veulent couper
les relations diplomatiques, ou est-ce le premier pas pour bouter la
Russie hors du Conseil de sécurité, ou pour en finir avec son droit de
veto ? Cela signifie-t-il que les US renoncent à toute diplomatie ? (La
réponse : « c’est la guerre » ne leur venait pas encore à l’esprit).
Les Russes ahuris ont répondu correctement. Ils ont
également expulsé soixante diplomates, et de façon douloureuse : tous
les diplomates engagés au département politique de l’ambassade à Moscou
étaient sur la liste des persona non grata. Le département politique se
composait de trois sections, politique étrangère, politique intérieure
russe et analyse militaire ; le centre le plus important pour la
collecte des données, les liaisons avec des hommes politiques russes, et
les conséquences militaires, pour la Syrie et pour l’Ukraine, la Corée
du Nord et la Chine, des officiers du renseignement chevronnés, de
première classe, et des hommes de terrain : tous dehors, y compris leur
officier politique Christopher Robinson (POL). Les Russes ont chassé
Maria Olson, porte-parole bien connue de l’ambassade, et l’interprète de
l’ambassade. Ils ont fermé le consulat de la « seconde capitale russe »
St Pétersbourg, important centre pour mettre en relation, influencer,
et interagir avec l’opposition. Les US ont donc perdu nombre de leurs
agents à Moscou, des gens qui connaissaient la Russie et qui avaient
développé des relations personnelles avec des Russes importants. Cela
prendra longtemps et coûtera bien des efforts au Département d’Etat et
aux agences de renseignement, pour retrouver les positions perdues. Les
Britanniques qui avaient été les premiers à décréter des expulsions ont
perdu aussi environ cinquante membres de leur ambassade à Moscou.
Curieusement, la déportation massive de tant de
diplomates russes n’a eu que peu d’effet sur le peuple russe, parce que
cette frappe avait été neutralisée par un autre évènement douloureux,
l’explosion de l’hypermarché de Kemerovo qui avait tué soixante-quatre
spectateurs au cinéma, dont plus de quarante enfants. L’incendie, même
s’il n’était pas d’origine criminelle (cela n’a pas encore été prouvé)
avait déclenché une avalanche de fausses rumeurs sur internet, déversée à
flots sur les Russes. Un million d’Ukrainiens sous-alimentés ont été
déployés au titre de la guerre psychologique occidentale sur le web
pour dire aux Russes que des centaines de leurs enfants avaient été
brûlés vifs, et que leurs autorités leur mentaient. Cette opération a
révélé le degré d’influence et d’intégration des différentes agences
d’espionnage agissant en Russie pour le compte de l’Occident.
Kemerovo était un emplacement bien choisi pour
l’opération : c’est la seule région ethniquement russe à être dirigée
par un héros local à l’ancienne, un homme qui a survécu à tout, et la
seule région qui a fait preuve, de façon indécente (et irréaliste) d’un
fort soutien à Poutine lors des dernières élections, une région minière
en récession, avec un fort potentiel de troubles.
Poutine a bien géré la situation en venant sur les
lieux en personne et en mettant la main à la pâte. Il avait appris le
rôle depuis 2000, lorsque, à l’aube de son premier mandat présidentiel,
le sous-marin Koursk avait coulé avec armes et bagages. Poutine était
resté à l’écart des familles des marins, et avait agi avec petitesse,
disaient les gens. « Il a coulé » répondait Poutine à la question
« Qu’est-il arrivé au Koursk » (on dit que le Memphis USS avait tiré un
torpédo sur le sous-marin, ce qui avait causé la catastrophe, mais que
le nouveau président avait renâclé à aggraver les relations avec
l’administration Clinton). Cette fois-ci, en 2018, il a été très bon,
plein d’empathie et débordant de considération, dégageant de la force et
de la capacité décisionnaire.
Quelle que soit l’agence américaine qui a dirigé
l’opération psychologique autour de Kemerovo, c’était un franc succès,
mais un succès qui a saboté une autre opération, celle de l’expulsion
des diplomates russes. Les Russes n’ont pas été suffisamment attentifs à
ce qui se passait. La raison alléguée pour l’expulsion,
l’empoisonnement de Sergueï Skripal et de sa fille, n’avait aucun sens.
Même si le vieil espion avait été descendu par ses employeurs de jadis,
une telle réaction serait parfaitement excessive. Ce n’était pas un
Napoléon (empoisonné deux cents ans plus tôt par les Anglais) ni un
prince du sang, ni un grand inventeur, ni un champion de l’espionnage.
Juste un ex-espion à la retraite, au rencart. Et de toutes façons il
n’en est même pas mort, il a juste été malade quelque temps. Peut-être
qu’il avait mangé quelque chose au bistrot qui ne passait pas bien.
C’est l’opinion de sa nièce, Victoria, la seule personne en vie à avoir
été en contact avec les Skripal depuis leur hospitalisation supposée.
L’affaire est tellement obscure qu’elle dépasse tous
les Rashomon imaginables. Des journalistes russes sont allés traîner
autour de Salisbury et ils ont remarqué un certain nombre
d’incongruités. Il n’est pas sûr du tout que les Skripal aient été
empoisonnés, et on ne sait pas où ils se trouvent. Leurs animaux de
compagnie ont survécu au poison mortel, et il a fallu les éliminer. Et
voici un petit chef d’œuvre d’humour noir russe qui a circulé sur tout
le net.
Skripal avait été empoisonné par un poison extrêmement
puissant, dont deux grammes suffiraient à tuer la moitié d’un pays
instantanément.....
DONT :
Mais le chat a survécu dans la maison empoisonnée …
le policier avait touché Skripal et il a failli en mourir, et le chat a
survécu…. Et les cochons d’Inde auraient survécu aussi, mais tout le
monde les avait oubliés, et ils sont morts de faim dans la maison :
Et leurs restes ont été immédiatement brûlés, parce qu’ils étaient empoisonnée par le plus terrible des poisons ;
Oui, pendant deux semaines ils ont été empoisonnés par le plus terrible des poisons, et ils ont survécu, et maintenant il a fallu les faire brûler de toute urgence ;
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