SAVEZ-VOUS QUE LES HOMMES SONT TOUT AUSSI MENACES PAR L' OSTEOPOROSE QUE LES FEMMES, MEME SI POUR EUX C' EST PLUS TARDIF...
L'équilibre acide-base est un des équilibres métaboliques cruciaux de l'organisme. Or il est influencé par ce que nous mangeons. Un régime riche en sel, en protéines animales et en produits céréaliers (occidental classique) est acidifiant; un régime riche en végétaux est alcalinisant. Quelles sont les conséquences à terme de l'un ou l'autre de ces régimes ?
Il existe deux écoles de pensée : l'une estime que le régime occidental est porteur de problèmes de santé, en particulier pour l'os (dont les sels de calcium osseux sont utilisés comme réserve alcaline) et qu'à l'inverse un régime de type ancestral devrait aider à prévenir l'ostéoporose. L'autre, qui est la position défendue par l'industrie laitière et les filières de production de viande, assure qu'un régime acidifiant n'a pas de conséquences, dans la mesure où l'organisme possède des systèmes de régulation. Nous avons demandé au Dr Lynda Frassetto, une des meilleures spécialistes mondiales, de faire le point sur ce débat et donner aux internautes des pistes pour rester en bonne santé.
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LaNutrition.fr : Est-ce qu’un régime fortement acidifiant comme les régimes occidentaux classiques riches en protéines animales et en céréales a des conséquences sur l’os ?
Dr Lynda Frassetto : L’idée qu’une acidose chronique induit une réduction de masse osseuse et qu’un traitement alcalinisant peut ralentir ou prévenir cette perte osseuse a été proposée il y a plus de 40 ans. Depuis 20 ans, l’opposition à cette idée a grandi car des études négatives ont été publiées. Aujourd’hui, il existe à la fois des données en faveur de cette hypothèse et de ceux qui la critiquent. Il est évident qu’il faut des protéines pour la croissance osseuse, tout comme du calcium, du phosphore et d’autres minéraux. La question est de savoir si la charge acide générée par un régime riche en protéines peut annuler en partie ou en totalité les bénéfices des protéines. Le fait de neutraliser la charge acide pourrait favoriser une ossature saine.Chez les personnes dont les reins fonctionnent bien qui suivent un régime de type occidental, avec des charges acides qui ne dépassent pas 1mmol/kg, des systèmes tampons et de titration prennent en charge la charge acide et le fait de la neutraliser n’entraîne probablement pas d’amélioration osseuse. Mais dans les régimes dont les charges acides dépassent 1 mmol/kg, et chez les personnes plus âgées avec une fonction rénale moins efficace, une masse musculaire et une masse osseuse plus faibles, alors les régimes acidifiants posent ouvertement problème, et une thérapie alcaline peut être bénéfique.
Vous dites que si la masse osseuse reste épargnée par un régime modérément acidifiant lorsque les reins fonctionnent bien, c’est que d’autres systèmes sont mis en œuvre. Y a –t-il un prix à payer sur le long terme ?
Je pense en effet qu’il y a d’autres systèmes-tampons dans l’organisme qui aident les os à neutraliser la charge acide lorsqu’elle est augmentée, et que pour cela, le corps met en place des compensations qui ont des conséquences délétères à terme. Il y a à ce sujet un très bon article écrit il y a presque 20 ans par Richard Alpern qui paraît confirmé aujourd’hui par des données plus récentes. (1) Par exemple, un régime acidifiant réduit l’excrétion de citrate, et augmente le niveau urinaire de calcium ce qui augmente le risque de calculs rénaux. A long terme, sur plusieurs décennies, on estime qu’il peut y avoir dégénération des muscles, des os, de la fonction rénale, au fur et à mesure que les systèmes de titration s’altèrent, ce qui est en réalité ce qui se passe au cours du vieillissement. C’est ainsi que nous expliquons pourquoi avec l’âge on constate une fonte musculaire, de l’ostéoporose, un déclin de la fonction rénale.Y a-t-il un lien entre l’incidence élevée de maladies rénales et l’ostéoporose dans nos sociétés modernes ?
Il y a des origines multifactorielles, et l’incidence des maladies rénales n’est pas nécessairement liée aux maladies osseuses. La grande majorité des problèmes rénaux dans les pays développés est associée au diabète, à l’hypertension et à l’obésité. Toutes les autres formes de maladies rénales représentent à peine le quart. L’insuffisance rénale n’entraîne pas de maladie osseuse sauf dans les formes les plus avancées. On conseille, en prévention des maladies rénales, de contrôler la glycémie et la pression artérielle.L’ostéoporose, indépendamment de problèmes de reins, a de nombreuses causes : l’âge, le sexe, le poids, la sédentarité, le régime, les hormones, les vitamines, etc. Par exemple, nous avons mesuré les niveaux de vitamine D circulante (25-OH D3) ici à San Francisco et un grand nombre de nos patients sont déficitaires (< 30 ng/mL). Contre l’ostéoporose, la musculation et un régime équilibré, sans déficits, est un bon point de départ.
Existe-t-il un moyen fiable de connaître son statut acido-basique ?
Ce n’est pas très facile, mais certains mesurent le pH de leurs urines en essayant de le maintenir autour de 7.Pour diminuer l’acidose chronique, conseillez-vous de prendre du potassium, ou les changements alimentaires suffisent-ils ?
Un régime de type Paléo a de nombreux bénéfices qui vont au-delà de l’équilibre acido-basique. Il aide à améliorer la glycémie, les lipides sanguins, la pression artérielle, même chez des gens en bonne santé. Chez les diabétiques et les personnes qui souffrent de résistance à l’insuline, il marche encore mieux.Je conseille généralement du citrate de potassium aux personnes qui ont un risque de calcul rénal et un citrate urinaire bas. Lorsqu’on souffre d’insuffisance rénale, il faut prendre l’avis d’un médecin avant de prendre des suppléments de potassium. Si les reins ne fonctionnent pas bien, ou si on prend des médicaments qui bloquent le système rénine-angiotensine, ou si on a une atteinte tubulaire distale ou une maladie génétique, il peut être difficile d’éliminer le potassium et le potassium sanguin peut s’élever de manière dangereuse. Pour cette raison, dans l’insuffisance rénale, la plupart des suppléments de potassium devraient être prescrits.
Par rapport à un régime occidental, un régime de type Paléo est-il alcalinisant, comme le laissait penser la publication avec Anthony Sebastian en 2002 ?
Si on considère les résultats de notre dernière étude sur des diabétiques de type-2, le régime Paléo n’était pas aussi alcalinisant que nous le pensions ou que le laissaient supposer les estimations des modèles qui calculent la charge acide nette comme l'indice PRAL. (2) Certes, l’excrétion acide nette était beaucoup plus basse avec un régime de type Paléo qu’avec le régime recommandé par l’Association américaine du diabète mais elle restait positive, alors que les modèles prédisaient qu’elle serait négative, c’est-à-dire que ce type de régimes est censé produire des bases. Nous pensons que ces modèles ne prennent pas suffisamment en compte la charge en protons qui provient d’acides organiques issus des protéines mais aussi de certains fruits et légumes, comme les prunes et les cranberries, en particulier quand on mange à la fois de grandes quantités de protéines et de fruits et légumes, comme c’est le cas pour beaucoup de régimes de type paléo.Justement, pouvez-vous nous dire comment vous mangez ? Dans quelle mesure vos recherches ont-elles influencé votre mode de vie ?
J’essaie de suivre un régime alimentaire de type Paléo, j’évite laitages et produits céréaliers et je remplace ces calories par des fruits et des légumes, et j’évite le sel. Au total, c’est beaucoup de potassium alimentaire.Propos recueillis par Thierry Souccar
Quatre livres pour aller plus loin : Le modèle Paléo, Guide de l'équilibre acide-base, Potassium mode d'emploi, Le mythe de l'ostéoporose
Sources(1) Alpern RJ. Trade-offs in the adaptation to acidosis. Kidney Int. 1995 Apr;47(4):1205-15. Review.
(2) Frassetto LA, Shi L, Schloetter M, Sebastian A, Remer T. Established dietary estimates of net acid production do not predict measured net acid excretion in patients with Type 2 diabetes on Paleolithic-Hunter-Gatherer-type diets. Eur J Clin Nutr. 2013 Sep;67(9):899-903.
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