Longtemps, les animaux ont été considérés
comme des êtres inférieurs, indignes de notre compassion. La science
ayant démontré qu'ils souffraient comme nous, ne serait-il pas temps
d'instaurer un droit des bêtes ?
« Nous les traitons avec
condescendance pour leur incomplétude, pour leur tragique destin d'avoir
pris forme tellement loin en dessous de nous. Et en ceci nous nous
trompons, et nous nous trompons grandement. Car l'homme n'est pas la
mesure de l'animal. Dans un monde plus vieux et plus complet que le
nôtre, ils évoluent finis et complets, dotés d'extensions des sens que
nous avons perdues ou jamais atteintes, vivant par des voix que nous
n'entendrons jamais. Ils ne sont pas nos frères ; ils ne sont pas nos
subordonnés ; ils sont d'autres nations, prises avec nous dans le filet
de la vie et du temps, compagnons de la splendeur et de la fatigue de la
Terre. » C'est avec les mots, les intuitions du poète que
l'écrivain et naturaliste américain Henry Beston (1888-1968) posait en
1928, dans Une maison au bout du monde (The Outermost House), les
termes du débat que, près d'un siècle plus tard et de manière plus
virulente que jamais, continue de susciter la relation entre l'homme et
l'animal.Ou, plus exactement, la place et le sort réservés à ce dernier dans la civilisation occidentale et humaniste, ébranlée par l'onde de choc sans fin du darwinisme et des découvertes scientifiques qui ont suivi, renforcé, prolongé la théorie de l'évolution. Fragilisant, détricotant sans cesse davantage la vieille notion de « propre de l'homme », dont il n'est plus à présent de définition à laquelle se raccrocher. Quel est-il, ce « quelque chose » qui distingue l'espèce humaine des autres ? Le rire et le langage, disait Aristote. La capacité rhétorique et la conscience de soi, affirmait Descartes (xviie siècle), mettant fin à l'hypothèse de l'existence de l'âme animale et inventant la notion d'« animal-machine », dénué de toute capacité à souffrir. L'homme n'est qu'un singe supérieur, rétorque désormais la science — les plus récentes études tendraient à prouver qu'humains, grands singes et chimpanzés partagent 98 à 99 % de leur ADN —, alors sur quoi fonde-t-il la certitude de son exceptionnalité ?
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