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Stop au steak, soyez végétarien
Guy Duplat
Mis en ligne le 06/02/2013
Le livre d’Aymeric Caron est un vibrant plaidoyer antiviande.
Attention, ce livre peut changer votre vie. Le plaidoyer d’Aymeric Caron contre la viande et pour le végétarisme est si complet, et parfois si convaincant, que vous pourriez bien revoir vos habitudes alimentaires. Ce journaliste, qui participe depuis septembre à l’émission "On n’est pas couché" de Laurent Ruquier, est végétarien depuis vingt ans. Il a collecté, pour ce livre, toutes les études autour de la question pour tenter de démontrer que non seulement cela évite l’énorme souffrance animale, mais que c’est aussi meilleur pour la santé et la planète. En dehors des questions éthiques que pose l’exploitation des animaux par l’homme, le végétarisme, ou du moins la baisse de la consommation de viande, est même devenu, écrit-il, une nécessité pour la planète. On devra tous un jour y passer.
Dans la vie courante, est-il difficile de faire son “coming out” comme végétarien ?
J’assume complètement ce choix. Mais je suis végétarien depuis vingt ans, après avoir vu un reportage sur la condition des animaux d’élevage et leur abattage. Il est vrai qu’au début, j’avais un peu honte de l’avouer quand je voyais la tête des gens qui me regardaient presque comme un anormal, un marginal, à la sensiblerie maladive, un homme trop austère. Une actrice américaine qui joue dans Ally McBeal, Portia de Rossi, est à la fois végétalienne (des végétariens plus radicaux qui refusent les dérivés des animaux comme les œufs et le lait) et homosexuelle. Or, selon elle, il est plus compliqué de se déclarer végétarien que gay car dire qu’on est homosexuel ne concerne finalement que soi-même et ne change pas la vie des gens autour de soi, mais se dire végétarien perturbe l’autre, le juge dans son comportement de mangeur de viande. Il y a d’ailleurs des liens entre ces deux causes, on voit aujourd’hui des "veggie-pride" comme il y a des "gay-pride".
Mais pourquoi vous êtes-vous arrêté au végétarisme sans devenir végétalien ou végane, c’est-à-dire celui qui refuse toute forme d’exploitation animale, y compris les zoos ou la fabrication du cuir ?
Aller jusqu’au bout ? Mais où est ce bout ? Cela devient compliqué et touche à des questions philosophiques. Pour moi, ce fut la découverte de la souffrance animale qui fut capitale. Mais les véganes vont plus loin et refusent toute exploitation animale, comme les zoos, l’équitation et même le miel qu’on prend aux abeilles. Je partage souvent leurs avis mais je n’étais pas contre prendre un peu de lait, surtout s’il vient d’un petit élevage où cela se passe sans souffrance. Je ne bois cependant plus de lait depuis que j’ai vu la réalité des élevages de vaches laitières. La question est difficile, Gandhi disait déjà que le simple fait que nous existions est déjà une agression vis-à-vis de la nature. Comment faire en sorte que la pression qu’on exerce sur la nature soit minimale ?
Vous êtes aussi “antispéciste”, c’est-à-dire que vous refusez l’idée qu’il y ait des espèces qui domineraient d’autres et pourraient les exploiter ou les manger. C’est la suite du combat contre le racisme ou pour les femmes, où là aussi, on combattait l’idée de segmenter les hommes, entre dominants et dominés ?
Bien sûr, le combat des femmes est encore très actuel. Elles n’ont parfois reçu des droits élémentaires qu’il y a peu. Longtemps, on a catégorisé les humains. Avec le monde animal, c’est un peu la même chose. On a longtemps réifié l’animal sans se rendre compte qu’il est bien plus proche de nous qu’on le croyait, que le "propre de l’homme" n’existe pas. On l’admet déjà avec les grands singes. On le voit chaque jour avec ses chiens et chats qui nous comprennent bien mieux que nous ne les comprenons.
Vous dites qu’être végétarien est meilleur pour la santé.
D’abord, il n’y a pas de danger, pas de carences à être végétarien contrairement à ce que disent encore les recommandations du ministère français de la Santé qui prônent de la viande dans les cantines scolaires. Les protéines végétales (dans le soja, les lentilles, etc.) sont aussi efficaces que les protéines animales. De plus, des études ont montré que les végétariens pourraient vivre plus longtemps et une étude toute récente d’Oxford dit qu’ils sont moins affectés par les maladies cardiovasculaires et les cancers. Le végétarisme n’affecte ni les performances sportives ni celles au lit. Inversement, il y a les méfaits pour la santé de l’élevage industriel : trop d’antibiotiques, parfois encore des hormones, les maladies de la vache folle, H1N1, etc.
Vous affirmez aussi qu’il faudra de toute façon passer au végétarisme ou du moins diminuer sa consommation de viande, car la terre ne peut absorber tant de mangeurs de viande.
L’élevage animal est un gâchis pour la planète, responsable à lui seul de 18 % du réchauffement climatique. Il entraîne des pollutions comme les algues vertes sur les plages bretonnes (à cause de l’élevage des porcs). Pour obtenir une calorie animale, il faut 4 à 10 calories végétales pour nourrir l’animal. Aujourd’hui, 75 % des terres arables servent à la viande (élevage ou céréales pour le bétail). Or, il faudra nourrir demain plus de dix milliards de personnes. La FAO estime qu’il faudra doubler la production de viande pour répondre aux besoins en 2050. Elle a déjà quadruplé depuis cinquante ans. Cinquante à soixante milliards d’animaux finissent déjà chaque année dans nos assiettes. Il est impossible de donner à toute la planète la consommation de viande des Etats-Unis et d’Europe. Notre consommation de viande n’est possible que grâce aux céréales venues des pays du Sud.
Il y a eu déjà des livres fracassants sur ce sujet, comme “Faut-il manger les animaux ?” de Jonathan Safran Foer. Votre cause progresse-t-elle ?
Nos impôts continuent à aider le secteur de la viande via des subsides européens et des campagnes françaises. Arrêter la viande s’intègre dans une démarche plus générale qui touche aussi à l’énergie par exemple : c’est réfléchir à l’avenir de notre planète. Evidemment, on se heurte à des lobbies, mais arrêter ces élevages industriels, ce pourrait être aussi donner une nouvelle vie à la paysannerie qui est décimée dans nos pays.
"No steak" par Aymeric Caron, Fayard, 358 pp., env. : 19 euros.
Dans la vie courante, est-il difficile de faire son “coming out” comme végétarien ?
J’assume complètement ce choix. Mais je suis végétarien depuis vingt ans, après avoir vu un reportage sur la condition des animaux d’élevage et leur abattage. Il est vrai qu’au début, j’avais un peu honte de l’avouer quand je voyais la tête des gens qui me regardaient presque comme un anormal, un marginal, à la sensiblerie maladive, un homme trop austère. Une actrice américaine qui joue dans Ally McBeal, Portia de Rossi, est à la fois végétalienne (des végétariens plus radicaux qui refusent les dérivés des animaux comme les œufs et le lait) et homosexuelle. Or, selon elle, il est plus compliqué de se déclarer végétarien que gay car dire qu’on est homosexuel ne concerne finalement que soi-même et ne change pas la vie des gens autour de soi, mais se dire végétarien perturbe l’autre, le juge dans son comportement de mangeur de viande. Il y a d’ailleurs des liens entre ces deux causes, on voit aujourd’hui des "veggie-pride" comme il y a des "gay-pride".
Mais pourquoi vous êtes-vous arrêté au végétarisme sans devenir végétalien ou végane, c’est-à-dire celui qui refuse toute forme d’exploitation animale, y compris les zoos ou la fabrication du cuir ?
Aller jusqu’au bout ? Mais où est ce bout ? Cela devient compliqué et touche à des questions philosophiques. Pour moi, ce fut la découverte de la souffrance animale qui fut capitale. Mais les véganes vont plus loin et refusent toute exploitation animale, comme les zoos, l’équitation et même le miel qu’on prend aux abeilles. Je partage souvent leurs avis mais je n’étais pas contre prendre un peu de lait, surtout s’il vient d’un petit élevage où cela se passe sans souffrance. Je ne bois cependant plus de lait depuis que j’ai vu la réalité des élevages de vaches laitières. La question est difficile, Gandhi disait déjà que le simple fait que nous existions est déjà une agression vis-à-vis de la nature. Comment faire en sorte que la pression qu’on exerce sur la nature soit minimale ?
Vous êtes aussi “antispéciste”, c’est-à-dire que vous refusez l’idée qu’il y ait des espèces qui domineraient d’autres et pourraient les exploiter ou les manger. C’est la suite du combat contre le racisme ou pour les femmes, où là aussi, on combattait l’idée de segmenter les hommes, entre dominants et dominés ?
Bien sûr, le combat des femmes est encore très actuel. Elles n’ont parfois reçu des droits élémentaires qu’il y a peu. Longtemps, on a catégorisé les humains. Avec le monde animal, c’est un peu la même chose. On a longtemps réifié l’animal sans se rendre compte qu’il est bien plus proche de nous qu’on le croyait, que le "propre de l’homme" n’existe pas. On l’admet déjà avec les grands singes. On le voit chaque jour avec ses chiens et chats qui nous comprennent bien mieux que nous ne les comprenons.
Vous dites qu’être végétarien est meilleur pour la santé.
D’abord, il n’y a pas de danger, pas de carences à être végétarien contrairement à ce que disent encore les recommandations du ministère français de la Santé qui prônent de la viande dans les cantines scolaires. Les protéines végétales (dans le soja, les lentilles, etc.) sont aussi efficaces que les protéines animales. De plus, des études ont montré que les végétariens pourraient vivre plus longtemps et une étude toute récente d’Oxford dit qu’ils sont moins affectés par les maladies cardiovasculaires et les cancers. Le végétarisme n’affecte ni les performances sportives ni celles au lit. Inversement, il y a les méfaits pour la santé de l’élevage industriel : trop d’antibiotiques, parfois encore des hormones, les maladies de la vache folle, H1N1, etc.
Vous affirmez aussi qu’il faudra de toute façon passer au végétarisme ou du moins diminuer sa consommation de viande, car la terre ne peut absorber tant de mangeurs de viande.
L’élevage animal est un gâchis pour la planète, responsable à lui seul de 18 % du réchauffement climatique. Il entraîne des pollutions comme les algues vertes sur les plages bretonnes (à cause de l’élevage des porcs). Pour obtenir une calorie animale, il faut 4 à 10 calories végétales pour nourrir l’animal. Aujourd’hui, 75 % des terres arables servent à la viande (élevage ou céréales pour le bétail). Or, il faudra nourrir demain plus de dix milliards de personnes. La FAO estime qu’il faudra doubler la production de viande pour répondre aux besoins en 2050. Elle a déjà quadruplé depuis cinquante ans. Cinquante à soixante milliards d’animaux finissent déjà chaque année dans nos assiettes. Il est impossible de donner à toute la planète la consommation de viande des Etats-Unis et d’Europe. Notre consommation de viande n’est possible que grâce aux céréales venues des pays du Sud.
Il y a eu déjà des livres fracassants sur ce sujet, comme “Faut-il manger les animaux ?” de Jonathan Safran Foer. Votre cause progresse-t-elle ?
Nos impôts continuent à aider le secteur de la viande via des subsides européens et des campagnes françaises. Arrêter la viande s’intègre dans une démarche plus générale qui touche aussi à l’énergie par exemple : c’est réfléchir à l’avenir de notre planète. Evidemment, on se heurte à des lobbies, mais arrêter ces élevages industriels, ce pourrait être aussi donner une nouvelle vie à la paysannerie qui est décimée dans nos pays.
"No steak" par Aymeric Caron, Fayard, 358 pp., env. : 19 euros.
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