Dans un hangar de la "ferme des mille vaches", le 17 octobre 2014, à Drucat-le-Plessiel (Somme). ( MAXPPP)
Ils veulent en faire "le procès de l'industrialisation de l'agriculture". Neuf militants de la Confédération paysanne sont jugés, mardi 28 octobre, devant le tribunal correctionnel d'Amiens (Somme). Ils sont accusés d'avoir commis des dégradations sur la "ferme des mille vaches", en septembre 2013 et en mai dernier. A l'extérieur du palais de justice, quelques milliers de personnes sont attendus pour les soutenir et dénoncer l'agriculture industrielle. Francetv info vous raconte cette saga entamée il y a trois ans.
1La "ferme des mille vaches", c'est quoi ?
C'est le projet agricole le plus contesté de France. Située sur les territoires des communes de Buigny-Saint-Maclou et de Drucat-le-Plessiel (Somme), la ferme dite "des mille vaches" est née de l'imagination de Michel Ramery, un riche industriel du BTP issu du monde agricole, dont Libération a fait le portrait. Le concept a deux facettes : élever un millier de vaches laitières (et leurs 750 veaux et génisses), et produire de l'électricité à partir du gaz libéré par le lisier et le fumier des animaux (on parle de méthanisation). La demande d'ouverture de cette ferme géante a été déposée le 23 février 2011.2Pourquoi un tel projet ?
Réunissant au moins six exploitants agricoles, le projet présente deux avantages pour ses concepteurs. Par le jeu des économies d'échelle, la taille de la "plus grande ferme de France" (les troupeaux actuels ne dépassent pas 350 têtes) permet d'abaisser les coûts de production, et de proposer un lait à 27 centimes le litre, contre 35 en moyenne ailleurs, selon La Voix du Nord.Le recours à la méthanisation permet, de plus, "d'assurer un complément de revenus à des petits paysans perpétuellement menacés de disparition", indique le site spécialisé Reporterre. Ce dernier note que "l'électricité obtenue à partir du méthane est fortement subventionnée", avec un prix de rachat par EDF "aujourd'hui supérieur de deux fois à celui du marché". "L'avantage de la méthanisation est de réduire la quantité de CO2 émise par la décomposition des déchets animaux et de fournir une énergie renouvelable", ajoute 20 Minutes.
3Pourquoi le projet dérange-t-il ?
Les opposants aux "mille vaches" voient, dans ce projet, un symbole de l'industrialisation de l'agriculture, qui mettrait en péril les petites exploitations, notamment en tirant le prix du lait vers le bas. "Que veulent les citoyens, les paysans, les élus ? Des fermes ou des usines ? Doit-on 'fabriquer' l'alimentation comme on multiplie les pièces de voiture ? Non, non et non", s'insurge le porte-parole de la Confédération paysanne, Laurent Pinatel, qui fait partie des neuf militants convoqués mardi.Le projet inquiète aussi quant au sort des animaux, qui seront traits trois fois par jour. "Les vaches ne mangeront jamais d'herbe, elles n'iront jamais en pâture, souligne un habitant, Claude Dubois, vice-président de l'association d'opposants Novissen, sur BFMTV. C'est une prison, ce n'est pas autre chose." Enfin, la méthanisation génère des résidus qui doivent être épandus sur une grande surface, avec des risques de pollution.
4Qu'en pensent les riverains ?
Une enquête publique a été lancée en août 2011 afin de recueillir les avis de la population des communes concernées. Une pétition contre le projet a rapidement vu le jour, suivie par une réunion publique houleuse, en septembre 2011, à Drucat-le-Plessiel. Les motifs d'inquiétude étaient vastes, allant du plan d'épandage à la méthanisation, en passant par l'augmentation du trafic routier, note France 3 Picardie. Malgré la forte opposition des habitants, l'enquête s'est terminée sur un avis favorable du commissaire enquêteur, en novembre 2011.Dans la foulée, des habitants ont créé l'association d'opposition Nos villages se soucient de leur environnement (Novissen), qui a enregistré sa millième adhésion au bout de deux mois. Inquiet des potentiels rejets du méthaniseur, le maire de Drucat s'est joint à la fronde, et son conseil municipal a voté contre le projet. En revanche, le maire de Buigny-Saint-Maclou, qui a dessiné les plans de l'élevage, a réussi à obtenir un vote en faveur du projet à une voix de majorité.
Et que disent les autorités ?
La "ferme des mille vaches" embarrasse le gouvernement. Tout en soutenant les projets de méthanisation dans le cadre de la transition énergétique, la ministre de l'Ecologie, Ségolène Royal, a affirmé, en septembre, que cette exploitation n'était "pas notre modèle économique, ni notre modèle écologique". Même propos du ministre de l'Agriculture, Stéphane Le Foll, qui a jugé le projet "contraire" à l'orientation du gouvernement, sans toutefois remettre en cause sa légalité.Sur le terrain, après avoir reçu un feu vert du conseil départemental de l’environnement de la Somme et après de nombreux atermoiements, les propriétaires de la "ferme des mille vaches" ont obtenu une autorisation préfectorale d'exploitation, le 1er février 2013, avec obligation de s'en tenir à 500 vaches laitières (et non 1 000), pour un total de 800 bovins (et non 1 750). Le permis de construire a finalement été délivré en mars 2013.
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