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Une grève de la faim de plus de trois semaines destinée à sensibiliser l'opinion publique quant aux corridas récemment introduites à Mimizan. Deux corps de plus en plus fragiles, perdant leurs forces - Christophe Leprêtre, président du Réseau Animavie, et Sylvie Baudoin, militante de Mont-de-Marsan -, afin que le maire de Mimizan, Christian Plantier, réponde aux innombrables courriers, appels, messages des citoyens. La presse en parle, les médias reprennent le reportage de l'AFP sur le courrier déposé à l'Elysée pour demander "la grâce" suprême pour les taureaux-victimes désignées à l'avance, et le maire continue à se taire. La corrida a lieu, comme prévu, le 24 août 2013, ainsi qu'une manifestation la décriant.
Le même jour, 24 août 2013, à Rion-des-Landes: une novillada programmée - "spectacle" à 10 euros le billet adulte et gratuit pour les autres, où des enfants humains, drapés dans les habits et la rhétorique d'une supercherie grotesque, donnent la mort à des enfants animaux - et une centaine de militants anti-corrida qui envahissent l'arène en formant une chaîne humaine.
Crédit photo: Animaux en Péril
Fumigènes, slogans abolitionnistes, violence policière, gaz lacrymogène, évacuation forcée. 70 gendarmes. 8 blessés, uniquement parmi les manifestants. Un coma, une commotion cérébrale, des fractures, des contusions, des plaies. Aucune réplique violente de la part des militants, aucune confrontation physique avec le public d'aficionados qui s'est montré d'une violence inouïe, générant des poursuites pénales, le 8 octobre 2011 à Rodilhan, lors d'une action similaire.
L'analogie entre les taureaux morts, traînés dans le sable des arènes après avoir servi au "spectacle", et les corps des militants malmenés par les forces de l'ordre, est troublante. Les images circulent vite, la presse les reprend massivement. Comment et pourquoi est-on arrivé là? Pourquoi faut-il, en 2013, en France, mettre sa vie en danger et faire plonger l'opinion publique dans la stupeur afin qu'un débat sur la corrida soit provoqué?
Les organisateurs de l'action, le CRAC Europe, la Fondation Brigitte Bardot et Animaux en Péril (Belgique), se sont lancés dans cette mise-en-scène radicale, désespérée mais rigoureusement préparée, afin de dénoncer un sujet qui met à mal la démocratie: tout ce qui constitue l'univers de la tauromachie, aujourd'hui, en France, révèle des contradictions, des aberrations et des dérives, des rouages politico-financiers et des stratégies de communication rendus opaques aux citoyens. La corrida est admise au titre d'"exception culturelle" dans le Sud tandis qu'elle est punie pénalement dans le reste du territoire français comme un acte de cruauté envers les animaux (article 521-1 du code pénal). L'accès aux corridas est gratuit ou à tarif réduit pour les enfants, tandis que le CSA déconseille ces images, à la télévision, pour les moins de 10 ans. Cinq propositions de loi anti-corrida ont été déposées depuis 2004, mais aucune n'est arrivée en débat parlementaire. Les financements sont chaque année accordés grossièrement aux clubs taurins, à l'insu des contribuables, souvent dans les régions gangrenées par le chômage et marquées par l'austérité budgétaire (à titre d'exemple: le 13 février 2013, la ville de Palavas-les-Flots octroie pas moins de 125 000 euros au club "Fiesta y toros" pour l'organisation de la Féria de printemps. (A voir aussi les observations croustillantes de la Chambre régionale des comptes de Languedoc-Roussillon adressées au Maire de Palavas-les-Flots au sujet des subventions reçues par le club taurin "Fiesta y toros": p. 12 du "Rapport d'observations définitives n° 116/787 du 1er septembre 2011")
La corrida n'est pas un sujet mineur ou d'ordre secondaire aujourd'hui, en France. C'est un symptôme pluriel et grave de notre époque, puisque la corrida se nourrit de la mort donnée en spectacle et du mutisme des politiques.
Et "le spectacle n'est pas un ensemble d'images, mais un rapport social entre des personnes", "il est le cœur de l'irréalisme de la société actuelle" (Guy Debord). Pour les mêmes raisons, les grévistes de la faim de Mimizan et les manifestants de Rion-des-Landes ont fait de leurs propres corps des outils de communication et des images criantes.
Le silence va perdurer autour de la corrida?...
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