lundi 19 novembre 2012

MANGER DU CHIEN.

SOURCE  ET SUITE

Imaginez un instant la scène suivante. Vous êtes invité à un dîner raffiné. Vous êtes assis avec d’autres invités à une table décorée avec goût. La pièce est chaude, la flamme des bougies danse à travers les verres à vin de cristal, et la conversation va bon train. De la cuisine émanent les délicieux fumets de riches nourritures. Vous n’avez pas mangé de la journée et votre estomac crie famine.
Enfin, après ce qui vous semble être des heures, l’amie qui vous reçoit émerge de la cuisine, avec une marmite fumante d’un savoureux ragoût. Les arômes de viande, d’épices et de légumes emplissent la pièce. Vous vous servez une généreuse portion, et après avoir avalé plusieurs bouchées de viande tendre, vous vous enquerrez de la recette auprès de votre amie.
« Je vais me faire un plaisir de te la donner » répond-elle. « D’abord, tu prends deux kilos de viande de golden retriever, que tu fais bien mariner, puis… » Golden retriever ? Vous vous figez probablement au milieu d’une bouchée en considérant ses mots : cette viande dans votre bouche c’est du chien.
Et maintenant ? Continuez-vous à manger ? Ou êtes-vous révolté à l’idée qu’il y a du golden retriever dans votre assiette et que vous venez d’en manger ? Ecartez-vous la viande et mangez-vous les légumes qui l’accompagnent ? Si vous êtes comme la plupart des Américains, après avoir entendu que vous mangiez du chien, vos sentiments passent automatiquement du plaisir à un certain degré de révulsion1. Peut-être vous sentez-vous également dégoûté par les légumes qui garnissent le plat, comme s’ils avaient été contaminés de quelque manière par la viande.
Mais supposons que votre amie éclate de rire et dise que c’était une farce. Finalement, ce n’est pas de la viande de golden retriever, mais du bœuf. Que vous inspire cette nourriture maintenant ? Retrouvez-vous votre appétit ? Recommencez-vous à manger avec le même enthousiasme qu’au début du repas ? Il se peut qu’alors même que vous savez que le ragoût dans votre assiette est exactement le même que celui que vous savouriez il y a un moment, vous éprouviez un sentiment résiduel de malaise, qui pourrait même vous affecter à nouveau la prochaine fois que vous vous attablez devant un ragoût de bœuf.

Que se passe-t-il donc ? Pourquoi certains aliments provoquent-ils de telles réactions émotionnelles ? Comment se fait-il qu’un aliment, nommé d’une certaine façon, soit jugé délicieux, et que le même aliment devienne virtuellement immangeable quand on l’appelle autrement ? En réalité, l’ingrédient principal du ragoût – la viande – n’a pas changé du tout. C’était dès début de la chair animale, et ça l’est resté. Simplement c’est devenu – ou du moins l’a-t-il semblé un instant – la chair d’une animal différent. Pourquoi avons-nous des réactions si radicalement distinctes envers la viande de bœuf et de chien ?
La réponse à ces questions se résume à un seul mot : perception. Nous réagissons différemment à différents types de viandes, non parce qu’il existe une différence physique entre elles, mais parce que nous les percevons différemment.

Aucun commentaire: