jeudi 26 mars 2020

DESESPOIR, ISOLEMENT ET PAS POUR AUTANT PROTEGES, CES OUBLIES DES EHPADS..

« Elle doit être perdue »



« Mon père s’y rendait régulièrement. Ma sœur et moi aussi, évoque-t-elle. Elle nous racontait parfois des histoires anciennes, dont elle avait conservé un souvenir étonnamment précis. On allait dans sa chambre. On y passait un moment et même si elle était dans ses pensées, on sentait que ça lui faisait du bien. Et maintenant c’est fini. Elle doit être complètement perdue. Moi je suis anéantie », explique-t-elle.
C’était le vendredi 13. L’avant-veille d’un scrutin pour lequel la consigne était quand même d’aller voter avec des gants, des pincettes et du gel hydroalcoolique. Mais pour Dolorès Lefebvre et ses proches, pour beaucoup de familles sans doute des 150 résidents d’un établissement où 28 chambres sont réservées aux malades d’Alzheimer « ou maladies apparentées », selon le site internet de la fondation, ce fut surtout le jour de l’incompréhension, puis de la colère devant des portes fermées, et surtout contre le manque d’informations accompagnant la mesure.
« Ma mère n’a pas de téléphone, pas d’ordinateur, elle ne sait pas allumer la télé toute seule et ne peut pas beaucoup lire. On ne pouvait même pas l’apercevoir et lui faire signe à travers la fenêtre, puisque sa chambre se trouve au deuxième étage. J’imagine l’angoisse dans laquelle elle a été plongée », partage la Forgionne, qui se démenait pour tenter d’obtenir un contact. En vain.
« Comme celle de tous les Français, la vie de l’établissement s’est trouvée bouleversée, justifie Christophe Guilard, directeur général des trois Ehpad de la fondation à Forges-les-Eaux, Aumale et Gaillefontaine. Nous avons dû modifier nos consignes pour évoluer vers un confinement maximal avec, désormais, les repas pris exclusivement en chambre pour la majorité de nos résidents, et des activités occupationnelles réduites. Elles se font par groupe de deux à trois personnes maximum, avec des précautions sanitaires strictes et un accompagnement de la psychologue renforcé pour ceux qui sont en souffrance. »
Le jeudi 19, la résidence mettait en place un accueil téléphonique permettant aux familles et aux proches d’échanger, sur un créneau horaire précis et après inscription préalable, avec les résidents non dotés de leur propre téléphone. « J’ai pu lui parler. Elle m’a dit : j’ai un peu le cafard. On ne sait pas comment on va la retrouver, après tout ça. Ni si on la reverra. Ceux que le virus aura épargnés, la dépression les emportera. Les gens vont aussi mourir de désespoir ».

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