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Si l’Allemagne est souvent citée en exemple, elle ne l’est pas dans tous les domaines. À preuve, son dumping dans l’industrie du porc. Avec des méthodes propres à dégoûter tout citoyen de consommer des cochonnailles.
Si l’Allemagne est souvent citée en exemple, elle ne l’est pas dans tous les domaines. À preuve, son dumping dans l’industrie du porc. Avec des méthodes propres à dégoûter tout citoyen de consommer des cochonnailles.
Une brise froide balaie ce matin-là les rues de la paisible bourgade de Alt-Tellin (Mecklenbourg). Une quarantaine d’hommes et de femmes se réunissent tous les premiers lundis du mois pour le même combat. « Stop aux usines d’animaux » résume un de leurs slogans.
Pharaonique
En question, à la porte de leurs propres (petites) exploitations, le projet d’un élevage « pharaonique » de 10 000 porcs, avec un roulement annuel de 250 000 bêtes.
L’investisseur hollandais, Adrian Straathof, n’en est pas à un coup d’essai.
Il a développé des élevages de taille analogue dans quatre autres Länder de l’ancienne Allemagne de l’est, riches en bonne terre et dépourvues d’industries importantes.
Troisième au monde
Les industriels allemands n’ont pas tardé à emboîter le pas avec des installations pour plusieurs milliers de porcs, entièrement automatisées et, trop souvent, sans égard pour les traitements infligés au bétail.
Car en l’espace de deux décennies, l’Allemagne s’est affirmée comme le troisième plus grand producteur de porcs au monde (après la Chine et les Etats Unis), en tout cas le tout premier en Europe.
Soixante millions
Soixante millions d’animaux découpés chaque année, 645 000 tonnes de produits de charcuterie exportés et des ventes dans le monde passées de 167 millions de $ en 1993 à 1,57 milliards en 2011.
Cette redoutable efficacité trouve sa force, entre autres, dans l’évidente industrialisation de la production, la réduction des coûts et une main d’œuvre aux salaires horaires, qui peuvent descendre jusqu’à 3 €, merci aux voisins roumains, hongrois, polonais.
Végétariens
Mais ce dynamisme n’a pas tardé à scandaliser une opinion publique, depuis longtemps sensible au sort des animaux, au point que le nombre des végétariens, en progression constante, avoisine les 10 % d’ "adeptes".
Cité par Le Point, le réputé hebdomadaire « Der Spiegel » a enquêté récemment sur ces « camps de concentration » de l’élevage porcin moderne, disséquant l’harassante et courte vie des animaux.
400 gr/jour
Les vingt millions de mâles qui voient le jour chaque année sont castrés sans anesthésie, ce qui évite d’altérer le goût futur de la viande. Les animaux sont ensuite nourris dans des enclos durant six à huit semaines, afin de les faire grossir de 400 gr par jour.
Certains prennent jusqu’à 850 gr au quotidien, une surcharge excessive qui entraîne de nombreuses fractures. Au demeurant, pour contrer la dissémination dans des bâtiments regroupant deux mille bêtes, le recours aux médicaments, surtout des antibiotiques, va bon train.
Antibiotiques à gogo
Fortement sollicités, les vétérinaires en administrent 1 734 tonnes chaque année, les porcelets recevant des soins de façon préventive dès la naissance et pour les adultes, des traitements jusqu’à soixante jours de suite.
L’épandage des 1,53 m3 d’urine et de matière fécale produit par chaque porc semble également géré à la va-que-je-te-pousse. Disséminé sur les terres agricoles, le lisier pollue les terres agricoles et s’infiltre dans les nappes phréatiques.
Direction poubelle
Trop, c’est trop. Des dizaines de milliers de citoyens, rameutés par les associations, dont « Animal Rights Watch (ARIWA) », défilent dans les grandes capitales régionales, certains déguisés en gentils porcelets, scandant « On n’en peut plus ».
Révoltés par ces usines charcutières et leurs conséquences environnementales, médicales ou purement éthiques – en plus de la disparition accélérée de petits élevages. Et soulignent qu’un tiers des produits, issus du cochon, finit à la poubelle.
Semelles de plomb
Les producteurs bretons pourraient s’associer à leurs mouvements. Avec des installations de quelques centaines d’animaux, ils font pâle figure.
« Nous portons des semelles de plomb, alors que nos concurrents allemands sont dotés de ressorts sous leurs chaussures », déclarait de façon imagée à Angers Jacques Lemaître, président d’un comité régional porcin.
La production française accuse le coup. 900 emplois supprimés à l’abattoir de découpe de porc Gad à Lampel-Guimiliau (Finistère) en sont un signe. Avec un bassin de 70 000 emplois, la Bretagne constate qu’elle ne peut plus faire face à la concurrence d’outre-Rhin.
Des limites
Hommes de terrain, les Verts allemands réclament un durcissement et une application plus stricts des lois sur la protection des animaux, ainsi qu’un droit des communes sur l’installation de nouvelles exploitations
Professeur de renom, Harald Von Wietzke constate que le développement à outrance du secteur va atteindre ses limites. "Chaque région ne peut dépasser un certain niveau d’élevage sur ses terres, en rapport avec la production d’engrais, qu’il faut bientôt aller chercher plus loin, ce qui alourdit les coûts".
« Nous demandons un véritable tournant agricole, que les Länder réorientent les fonds européens vers une production et une consommation locales, plutôt que de sponsoriser les géants du secteur », ajoute-t-il.
De lundi à lundi
À Art-Tallin, les manifestations ont parfois tourné à l’émeute, nécessitant l’intervention des forces de l’ordre. Mais nos activistes du lundi ne s’en laissent pas compter, peu impressionnés par les quarante emplois promis par l’investisseur hollandais. Ils espèrent un éventuel recours juridique contre la future « fabrique à cochons ».
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