lundi 12 octobre 2015

ILS FONCENT DANS LE MUR, MAIS ILS CONTINUENT!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!

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Berlin, correspondance
Imaginez que les habitants de la Somme aient à se prononcer par référendum sur le maintien ou la fermeture de la ferme-usine des Mille vaches. Impossible ? C’est pourtant ce qui pourrait se passer dans l’Est de l’Allemagne. Quarante associations se sont regroupées pour faire barrage à l’élevage intensif dans le Land du Brandebourg, près de Berlin. Si elles rassemblent au moins 80 000 signatures auprès des habitants de la région d’ici le mois de janvier, un référendum d’initiative populaire devra être organisé, et son résultat inscrit dans la loi. En deux mois, plus de 13 000 personnes ont déjà été convaincues (lien en allemand).
« Interdire complètement l’élevage intensif, ce serait bien, mais on est conscient que c’est impossible, explique le coordinateur de la campagne, Jens Martin Rode. Nous, ce qu’on veut, c’est que, dans le Brandebourg, les éleveurs ne coupent plus la queue des cochons et le bec des volailles ; que le gouvernement régional ne finance plus les nouvelles implantations d’élevage intensif, mais seulement de plus petites exploitations qui respectent des critères exigeants de protection animale et environnementale. »
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Affiche de campagne pour le referendum
Jens Martin Rode et ses compagnons n’en sont pas à leur coup d’essai : au début de l’année, près de 35 000 personnes avaient signé une première pétition (Volksinitiative) pour mettre la question à l’ordre du jour du parlement régional. Mission accomplie, mais malgré le coup de force, les députés s’étaient majoritairement rangés derrière les lobbies de l’industrie agricole. Pour Udo Folgart, l’un des députés (SPD, social-démocrate) ayant rejeté la proposition citoyenne, « le nombre d’animaux dans une exploitation ne dit rien de leur bien-être. Tout dépend de la manière dont ils sont traités. Cela peut être fait de façon très responsable dans une grande exploitation ».

De plus en plus de fermes géantes

L’homme qui tient ce discours est lui-même éleveur près de Berlin, à la tête d’un troupeau de 550 bovins, et vice-président de la Landesbauernverband, le syndicat agricole majoritaire en Allemagne. Attablé à un café de sa circonscription, à Paaren in Glien, il ajoute à sa démonstration, graphiques à l’appui, que le nombre d’animaux d’élevage dans le Brandebourg, et plus largement dans l’Est de l’Allemagne, est par ailleurs deux fois moins élevé que la moyenne nationale.
Le chiffre est juste, mais il ne dit pas toute la vérité. Lorsqu’on regarde le nombre de bêtes par exploitation, les cinq Länder d’ex-RDA (République démocratique allemande) se retrouvent cette fois systématiquement en tête de troupeau. Par exemple, un élevage moyen de volailles dans le Mecklembourg-Poméranie-Occidentale et la Saxe-Anhalt dépasse les 12 000 têtes. C’est six fois plus que la moyenne nationale. Les chiffres sont tout aussi éloquents pour les bovins et les porcins (lien en allemand).
La tendance n’est pas prête de s’inverser, les projets de nouvelles fermes géantes ou d’agrandissement se multiplient : trente-deux, rien que dans le Brandebourg. Certains investisseurs voient les choses en grand, en très grand même : pas moins de 400 000 poulets pour l’un, 67 000 porcs pour l’autre, 2500 vaches pour un troisième. Et si une partie de la population s’y oppose, c’est parce qu’elle a déjà connu l’élevage de masse, à une échelle bien plus grande - et en a été traumatisée.

L’ombre des fermes de la RDA

Des hangars sans fenêtres de plusieurs centaines de mètres de long, vaches entravées, poules et porcs entassés, au sol du béton. Autour, d’immenses monocultures de plantes fourragères survolées d’avions épandeurs de pesticides. Des silos à perte de vue, alimentés par des employés présents 24h/24, selon la règle des trois-huit, comme à l’usine. C’est à cela qu’ont ressemblé les fermes de RDA, des années 1960 à la fin de l’ère soviétique.
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Porcherie Markkleeberg, 1960
« L’idéologie socialiste porte en elle dès le départ, chez Marx et Engels, l’idée de produire en masse, explique Jens Schöne, historien spécialiste de l’agriculture en RDA. Les outils de production agricole ont d’abord été collectivisés, puis progressivement industrialisés. Ce sont ces gigantesques exploitations, de plusieurs milliers d’hectares, qui devaient mener à la prospérité, à l’abondance de nourriture, et donc au ’’bonheur commun’’. » Un bonheur commun qui ne concernait visiblement pas les animaux, soumis à la promiscuité, aux castrations à vif, exposés au cannibalisme. Sans compter les tests d’antibiotiques ou les expérimentations alimentaires à base d’urée et d’excréments.
Inspirées du modèle américain de ferme géante, les LPG (pour Landwirtschaftliche Produktionsgenossenschaft, coopérative de production agricole) ont connu un essor très rapide en Allemagne de l’Est, bien plus qu’en Europe occidentale. Pour exporter la viande et ainsi faire entrer des liquidités dans ses caisses vides, l’Etat exigeait, plan après plan, toujours plus de productivité, poussant à la démesure. Pour ne citer que quelques exemples, la LPG de Neustadt sur l’Orla en Thuringe comptait pas moins de 175 000 porcs en 1989. A quelques encablures, celle de Wandersleben accueillait 720 000 poules pondeuses. Plus au nord, non loin des rives de la Baltique, 24 000 bovins étaient élevés, abattus et transformés dans le Kombinat de Ferdinandshof, devenu un emblème de cet élevage ultra-intensif est-allemand.
Ferdinandshof 1974
Mais un tel modèle n’était pas compatible avec les structures économiques du pays, incapables par exemple de remplacer les pièces défectueuses dans les bâtiments agricoles. Et les conséquences pour l’environnement ne tardèrent pas à se faire sentir, au sens propre. L’air se chargeait de l’ammoniac rejeté par les étables mal ventilées ; le lisier, en quantité astronomique, était déversé au moyen de pipelines dans les cours d’eau. « Je me souviens que l’hiver, j’allais patiner sur des lacs de lisier gelés, c’était épouvantable », raconte Jens Schöne, qui a lui-même grandi en Saxe-Anhalt.
Autour des fermes, les forêts mouraient, les poissons disparaissaient. Malgré le discours apaisant des autorités, la colère montait dans les villages, comme en attestent les rapports de la Stasi, la police politique. En 1989, lorsque le régime, vacillant, a autorisé les manifestations, les premiers rassemblements réclamaient la fermeture de ces monstres agricoles.

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