SOURCE ET SUITE
EXTRAITS:
Tu vas voir le travail avec les animaux, c’est un peu spécial », me dit Claude le premier jour de notre rencontre. Claude est éleveur de porcs. Lorsque nous nous sommes rencontrés, je n’ai pas cherché à lui dissimuler mon identité professionnelle et encore moins les raisons pour lesquelles je souhaitais travailler en production porcine. Je réalise une thèse sur le rapport des éleveurs et des salariés porcins à la mort des animaux dans le travail en élevage. Cette thèse, qui s’intéresse plus particulièrement à la question de la perte, fait suite aux travaux de J. Porcher [1] Porcher J., 2001. « L’Élevage, un partage de sens entre... [1] sur l’attachement dans la relation au travail entre éleveurs et animaux. Pour démarrer mon travail de recherche, j’ai décidé de travailler en porcherie. Pendant six semaines, j’ai pu découvrir les conditions de vie au travail d’un éleveur et de ses salariés.
...
....Les conditions de vie au travail des hommes et des animaux en élevage industriel
de porcs suscitent des émotions et des interrogations. Les bâtiments
d’élevage, la dissociation des animaux de leur milieu naturel,
l’entassement des porcs dans des cases, les rangées de truies encagées,
la distribution de la « soupe », produisent un effet subjectif très fort
chez une personne étrangère au monde du travail en élevage porcin.
L’organisation prescrite du travail réduit l’animal à l’état d’«
animal-machine » destiné à produire des porcelets et de la viande.
L’obscurité à l’intérieur des bâtiments, les cris de centaines
d’animaux, la poussière et l’odeur écœurante du lisier de porc sont des
conditions de travail difficiles pour les éleveurs et les salariés. Le
contenu du travail des hommes est tout aussi repoussant et intrigant que
les conditions dans lesquelles il est réalisé. Qui peut taper sur des
porcs, castrer à la chaîne des centaines de porcelets, ramasser des
cadavres d’animaux qui ont succombé aux conditions d’élevage, tuer des
animaux devenus improductifs sans ressentir la moindre émotion ? Ces
travailleurs seraient-ils des êtres « insensibles » ? Non, je ne le
pense pas. L’expression du visage de Claude face à la truie agonisante
et les paroles de Bruno à propos de la réforme des truies et de
l’abattage des animaux mourants ou refusés par l’abattoir révèlent des
émotions qui, à mon sens, montrent que le travail en élevage industriel n’est pas tout à fait normal.
Au lieu d’accuser les travailleurs d’être des « criminels » – comme le
font aujourd’hui des associations de protection des animaux, il me
semble préférable de comprendre les raisons pour lesquelles des hommes
et des femmes élèvent des animaux dans des systèmes de production dits industriels.
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