temoignage dans ce livre a ne pas manquer de JEAN LUC DAUB
SOURCE DE L' ARTICLE
SOURCE DU LIVRE AMAZON POUR EFFECTIVEMENT FEUILLETER
Mon premier marché aux bestiaux
Mon
premier contrôle de marché aux bestiaux date de 1995. Certes, les
événementsse sont déroulés il y a quelques années, et des progrès ont
été accomplis sous la contrainte des enquêtes de protection animale
diligentées par des associations non gouvernementales ; mais aussi à la
suite de la crise de la vache folle. En effet, les bovins blessés,
malades et douteux qui transitaient par les marchés, pour être vendus et
finalement abattus pour la consommation, ont fini par faire l’objet
d’une attention particulière des services sanitaires, parce que ces
animaux risquaient de se révélerporteurs de l’Encéphalite Spongiforme
Bovine ou de toute autre maladie rendant la viande impropre à la
consommation.
Il
était 7 heures 45 lorsque je me rendis sur un marché aux bestiaux de
Bretagne. Si certains animaux étaient traités convenablement, il y avait
par contre beaucoup de brutalité et de coups violents distribués tous
azimuts. Aux environs de 9 heures 30, et à plusieurs reprises, j'ai fait
appeler la Direction des Services Vétérinaires pour qu’elle
intervienne, puis j'ai téléphoné à l’abattoir le plus proche, mais
personne n'a répondu. Sur place, on m'a dit que la DSV était déjà
passée. J'ai parlé concrètement des problèmes rencontrés au responsable
du marché, mais son amabilité n'a pas pu cacher son hostilité. Il
souhaitait me voir partir très vite.
Aucun
animal ne fut abreuvé en ma présence, il n’y avait pas d'installations
prévues à proximité des bêtes. Certains animaux étaient là depuis la
veille, sans rien à boire ni à manger, alors même qu’ils avaient pu
faire de longs transports avant d’arriver sur le marché. Beaucoup de
bovins attendaient plusieurs heures, sous le soleil de l’été, dehors et
dans les camions. Bien en retrait du hall où se négociait le prix des
bêtes, j’ai vu l’échange d’un veau se faire entre deux camionnettes qui
se trouvaient côte à côte. L’animal, qui devait avoir deux ou trois
mois, semblait en bonne santé ; il ne portait
apparemment
pas de boucle d’identification. Les deux hommes l'ont fait descendre de
la camionnette immatriculée en Mayenne en le portant par la tête et la
queue, et l'ont fait remonter dans l'autre camionnette immatriculée en
Ille-et-Vilaine.
Dans
les allées, les marchands en bestiaux faisaient courir les bovins. On a
fait courir une vache qui avait vécu à l'attache (dont on apercevait
les traces sur sa nuque) et qui avait les mamelles pleines. Une pauvre
bête qui n’avait jamais couru de sa vie. Les autres animaux étaient
frappés à coups de bâtons quand ils passaient devant les négociants.
Deux personnes ont fait courir un veau pas très gros qui, sans
rencontrer pourtant aucun obstacle, est tombé par terre. Il fut
violemment frappé et reçut des coups de piles électriques sur la partie
anale. L'animal se releva et les deux hommes le firent de nouveau
courir.
D'autres
personnes faisaient entrer un trop grand nombre de bovins dans des
enclos sur un quai de déchargement qui ne pouvait tous les contenir. Les
animaux restés dans l'allée étaient frappés, alors qu'ils ne savaient
où aller et ne pouvaient pas avancer.
Certains
camions étaient hauts et très mal équipés pour faire monter les bovins.
La plupart des bœufs, sous le hall de présentation, étaient très serrés
les uns contre les autres et attachés la tête en bas. Ils ne pouvaient
pas se coucher. Une vache avait beaucoup saigné, elle avait certainement
mis bas peu de temps avant. Plusieurs bovins d'un même groupe boitaient
et gardaient une patte en l'air. Une vache isolée avait un œil crevé,
une autre une tumeur. Un veau avait l'oreille entaillée jusqu'à la
boucle d’identification.
Un
veau en mauvais état était couché dans une camionnette dont deux hommes
essayaient de le sortir. Je suis intervenu. Ils m'ont dit qu'il avait
de l'arthrite et que tout le monde pouvait en avoir. Ils ont réussi à le
sortir, mais le veau se déplaçait très difficilement. Camionnette
immatriculée en Ille-et-Vilaine. Un autre jeune veau d'environ trois
mois souffrait aussi. Il ne pouvait pas se déplacer et ne se tenait pas
sur ses pattes arrière. Un autre avait la peau sur les os.
Les animaux malades ou en piteux état étaient
regroupés
au même endroit. On m'a dit qu’il s’agissait de négociants qui les
achetaient pour les revendre aux boucheries musulmanes. J'ai vu à
plusieurs reprises des négociants faire avancer les animaux à coups de
ciseaux. Un négociant avec qui j'ai discuté m'a montré comment il
faisait avancer les bêtes avec son couteau pointu. Trois taureaux
étaient attachés la tête très près du sol ; l'un saignait de la gueule
et un autre présentait des coupures régulières et fraîches sur le dos et
sur le côté droit. Il était courant de donner des coups d’aiguillon
(sorte de clou dépassant de l’extrémité du bâton) pour déplacer les
animaux.
Trois
hommes frappaient une vache pour la faire monter dans un camion. Elle
avait une plaie ouverte sur la croupe à force de recevoir des coups.
J'ai relevé le numéro du camion, mais un des trois hommes, de forte
corpulence, m'a demandé ce que j'avais noté. Je lui ai répondu que cela
ne le regardait pas, il m'a alors saisi et m’a menacé pour que je lui
donne mes notes. Il a crié aux autres que j'avais noté quelque chose.
Lorsque j'ai voulu partir, il a été encore plus violent et m'a menacé
avec son bâton. Les autres négociants m'ont alors entouré. Je lui ai
donné le papier, pour le calmer. Il devint furieux quand il vit le
numéro du camion, les autres l'ont retenu et m'ont dit de partir. J'ai
été bousculé et l'individu en question m'a porté un coup dans le bas du
dos avec son bâton. Cette personne, bien connue des autres négociants,
m’a, depuis, de nouveau agressé sur un autre marché de Bretagne.
Lorsque
des images de maltraitance d’animaux sur les marchés étaient diffusées à
la télévision, les acteurs de la filière viande se défendaient en
disant que les images provenaient de l’étranger. Mais si j’avais pu
filmer moi-même tout ce dont j’ai été témoin sur les marchés de France,
le scandale n’en aurait été que plus grand. Je pense à cette vache, sur
un marché de la Manche, si maigre et si incapable de marcher que
lorsqu’elle tombait, les négociants la frappaient violemment pour la
faire se relever. Ils appelaient ce genre de vaches des tréteaux. Sur un
autre marché aux bestiaux, pas moins de cinq cadavres de bovins ce
jour-là étaient étendus sur le sol. J’ai fait euthanasier par un
vétérinaire une vache qui souffrait, un autre bovin d’une
maigreur
extrême agonisait en contrebas d’un quai, et trois autres bovins
étaient morts (sur le tas de fumier ou au bord d’un quai). Pour leur
défense, les négociants en bestiaux disaient que ce n’étaient pas leur
faute si les bêtes avaient atteint cet état, qu’il fallait voir cela
avec l’éleveur. Mais, rien ne les obligeait à faire le commerce de bêtes
en état de souffrance, sinon l’attrait de quelques billets de plus, que
rapportait la transformation des vaches malades et blessées en steak
haché.
Le
ménage sur ces marchés aux bestiaux a été fait grâce à la crise de la
vache folle, mais pas par les autorités compétentes qui avaient peur de
mener des opérations de contrôle en raison de tentatives d’intimidation,
de pneus crevés sur le parking, etc. Deux techniciens vétérinaires se
sont fait boucler dans un bureau, et une vétérinaire fut volontairement
enfermée avec un taureau dans un enclos, tout cela sur le même marché…
Moi-même, sur un marché où se trouvaient ce jour-là cinq cadavres de
bovins, je me suis fait mettre à la porte manu militari par le
responsable du marché, qui était également éleveur.
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