Tribune. Les images se succèdent, choquantes, violentes, d’animaux martyrisés dans les abattoirs, publics ou privés, grands ou petits, bio ou non. Grâce à L214, nous prenons conscience que le mal est endémique, qu’il n’a malheureusement rien d’exceptionnel. Avec 3 millions d’animaux tués chaque jour pour la viande en France, combien subissent des actes de cruauté comme ceux qui ont entraîné la fermeture de l’abattoir du Boischaut en Indre?
Alors que tous s’étonnent et déplorent que la vidéosurveillance dans les abattoirs ait été rejetée par le pouvoir en place, le gouvernement maintient son cap : l’indifférence absolue devant la souffrance animale. Les députés de la majorité ont bien concédé que l’installation de caméras pourrait se faire sur la base du volontariat. Pourquoi pas demander aux chauffards leur autorisation de mettre des radars sur les autoroutes? Il est vrai qu’en ce moment, les automobilistes ont un peu l’impression d’être pris pour des vaches à lait, comme on dit –heureusement pour eux, ils sont loin de subir le calvaire des vaches, les vraies, celles qu’on n’hésite pas à massacrer encore gestantes, parfois alors même qu’elles sont en train d’accoucher.
Notre Président, si féru de philosophie, ne sait-il pas que devoir implique pouvoir, comme le disait Kant ? Il annonce vouloir faire un geste pour les plus démunis par une mesure à peine annoncée et déjà controversée, et qui, de toute façon, sera loin de satisfaire la vaste majorité des automobilistes. Ils n’ont souvent, hélas, d’autre choix que brûler du carburant, en l’absence d’alternatives immédiates ou abordables. Par contre, ils pourraient immédiatement se passer de viande. Car on vit très bien sans, et plus longtemps apparemment.
Alors, pourquoi ne pas taxer la viande, plutôt que la subventionner? Ou au moins la viande issue des élevages les plus polluants ou les plus cruels, comme ceux en batterie? Pourquoi ne pas inciter les consommateurs à se tourner vers des alternatives plus vertueuses, pour les animaux bien sûr, mais aussi pour leur propre santé et pour l’environnement ? Le gouvernement ignore-t-il que la viande est la principale cause du réchauffement climatique, devant la voiture ? Ou ne le sait-il que trop bien, tout à l’écoute qu’il est du tout-puissant lobby de l’élevage? C’est très regrettable, car la planète ne risque guère d’être great again si nous ne diminuons pas drastiquement notre consommation de viande. C’est là, en vérité, un véritable tabou, alors posons la question: pourquoi la viande serait tout à la fois le produit le plus polluant et le plus encouragé ?
David Chauvet est l’auteur de Contre la mentaphobie (L’Age d’homme, 2014) et Une Raison de lutter. L’avenir politique et philosophique de la viande (L’Age d’homme, 2017).
David Chauvet juriste, essayiste