vendredi 13 mars 2015

LIRE: LA CAUSE DES ANIMAUX POUR UN DESTIN COMMUN DE FLORENCE BURGAT

 F. Burgat la cause des animaux




Vient de rapaître un petit livre (par la taille, car les idées sont déterminantes) de la philosophe Florence Burgat: 'La cause des animaux. Pour un destin commun' qui est un véritable manifeste vegan. 


Extraits du chapitre introductif "De l'autre côté du miroir" :

Un récent sondage d’opinion (1) fait apparaître que 86 % des Français « trouvent anormal que les animaux continuent d’être considérés aujourd’hui comme des “biens meubles (2)” dans le Code civil » ; 89 % d’entre eux adhèrent en conséquence à la création d’une catégorie dénommée « animaux » aux côtés de celle des « personnes » et de celle des « biens ». Ces données révèlent un paradoxe qui sera le point de départ de notre réflexion.
C’est en effet parce que les animaux sont considérés et déclarés comme étant des biens, c’est-à-dire des choses dont nous pouvons jouir y compris en les détruisant, que nous les mangeons, nous vêtons et nous chaussons de leur peau, expérimentons sur eux tous les produits que nous absorbons ou inhalons, les enfermons, les chassons et les faisons combattre pour nous divertir : usus, fructus, abusus (3). Estimer qu’il est anormal que les animaux soient considérés comme des biens implique la réprobation des usages qui découlent d’un tel statut, sans quoi il est absurde ou vain de se prononcer en ce sens. Il est de ce fait paradoxal de fustiger ce statut, et implicitement les activités qu’il rend possibles, et, dans le même temps, de l’entretenir et de l’entériner par nos usages quotidiens les plus ordinaires. C’est d’eux que nous partirons pour tenter de comprendre les tenants et les aboutissants de ce paradoxe : comment, et plus profondément pourquoi, cautionne-t-on d’une main ce que l’on rejette de l’autre ? À l’inverse de situations troublantes ou révoltantes contre lesquelles nous ne pouvons à peu près rien, celles-ci sévissent uniquement parce qu’elles trouvent les preneurs que nous sommes peu ou prou tous, et que nous pourrions ne pas être ; au prix d’un effort, certes, mais somme toute relativement mince au regard des effets bénéfiques considérables qu’il aurait au bout du compte sur la condition animale. Le pourcentage écrasant des opinons versant du côté d’une modification du statut juridique des animaux indique qu’il s’agit de la disposition du plus grand nombre. Le principe de non-contradiction énoncé par Aristote, selon lequel A et non-A ne peuvent être posés en même temps, semble trouver un démenti.

Les choses se compliquent cependant très vite dès que l’on prend la mesure de la diversité des cas où la conscience claire qu’il a fallu tuer, interrompre une vie individuée et désireuse de se poursuivre, ne peut ou ne veut pas se former dans l’esprit de celui qui, en bout de chaîne, bénéficie des « produits finis ». Étranger à l’effectuation du processus, il trouve aisément matière à s’en dissocier tout à fait, et il est prêt à croire que la chose obtenue et la voie de son obtention sont indépendantes l’une de l’autre ; à la limite, viande et abattage répondent à deux logiques qui s’ignorent. La mise à mort d’animaux est, il est vrai, parfois insoupçonnable et contre-intuitive dans certains produits (comment soupçonner la présence de gélatine de porc dans un sorbet ou dans des bonbons fruités ?). Pour d’autres, si elle fait partie des étapes de leur fabrication, ils n’en gardent aucune trace directe ni visible ; c’est le cas des substances testées sur les animaux. Lorsque sa mort participe à l’obtention d’une marchandise, sans que l’animal soit lui-même cette marchandise, le lien de cause à effet n’est pas aussi présent à notre esprit qu’il pourrait ou devrait l’être. En bonne logique perceptive, il ne devrait en revanche pas en aller de même lorsqu’une partie, sinon la totalité du corps mort de l’animal lui-même, constitue cette chose ; et pourtant il n’en va pas ainsi. De près ou de loin, directement ou indirectement, de façon visible ou invisible, des violences qui sont pour ainsi dire unanimement réprouvées, perdurent. Afin de nous orienter dans les méandres d’une situation complexe, regardons nos habitudes de consommation les plus ordinaires de l’autre côté du miroir où elles se donnent à voir et nous apparaissent, car tout n’est pas livré dans cette image paisible, festive, scintillante.
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