jeudi 29 août 2013

CE QUE VOUS MANGEZ AVEC VOTRE STEAK OU VOTRE SAUCISSON... ON VOTRE POULET



5 PAGES SUR LA SOURCE

L’alimentation animale est scientifiquement élaborée et strictement réglementée. Malgré tout, dioxines, OGM et antibiotiques peuvent faire partie du menu.
Du fourrage contaminé au PCB (polychlorobiphényle), des farines animales aux porte de l’Europe, l’usage des antibiotiques dénoncé, la France accusée de mauvais traitements envers ses poules pondeuses : l’époque n’est pas tendre pour le bétail. Le cataclysme de la vache folle a pourtant permis de réorganiser la production de sa nourriture.
De dénonciations en réglementations, notre société prétend avoir cessé de considérer ces animaux comme de simples objets de consommation. Est-ce vraiment le cas ? Petit détour du côté de l’alimentation de notre cheptel, qui en dit long sur la nôtre.
Retour aux années 1990-2000. L’encéphalopathie spongiforme bovine (ESB), transmissible à l’homme sous la forme d’une variante de la maladie neuro-dégénérative de Creutzfeldt-Jakob, rend malades 300 bovins en France, 178 000 en Grande-Bretagne ! Le coupable ? Une composante de leur alimentation produite par l’homme : les farines animales.
Le grand public apprend alors que ces farines sont fabriquées à partir d’individus trouvés morts en élevage, potentiellement dangereux sur le plan sanitaire. Il découvre que, en les ingérant, certains animaux se sont nourris de déchets organiques de leur propre espèce. Et que des ruminants herbivores se nourrissent de produits carnés.
On lui révèle enfin que l’épizootie trouve sans doute son origine dans des modifications intervenues au cours du processus de fabrication des farines (baisse des températures de stérilisation…), dont l’impact a été insuffisamment évalué. Éleveurs, industriels et distributeurs sont traumatisés. Les consommateurs aussi.
La crise a révélé que « c’était l’amont de la chaîne, c’est-à-dire l’industrie de l’alimentation animale, le principal maillon faible de la sécurité alimentaire », confie Philippe Schmidely, enseignant et chercheur à AgroParisTech. Soumis à de très strictes directives européennes, le secteur est désormais « l’un des plus surveillés, des plus réglementés ».
Aujourd’hui, les farines animales font leur retour. Sous un nouveau nom ! Bruxelles propose d’autoriser l’emploi de Pat (protéines animales transformées) dans l’alimentation des volailles, des porcs et des poissons.
À la différence des farines à l’origine de l’épizootie d’ESB, les Pat sont issues du recyclage de déchets sains non consommés par l’homme (os, intestins, sang, etc.), provenant d’espèces omnivores pour lesquelles aucune EST (encéphalopathie spongiforme transmissible) n’a été décelée, tels les porcs, mais aussi les volailles. Ce projet exclut totalement les ruminants.

Autre précaution : les fabricants ne pourront pas pratiquer de « recyclage intra-espèce ». En d’autres termes, ils auront l’interdiction de donner du cochon à manger aux cochons.
Philippe Schmidely. Sans égal sur le plan de l’apport en protéines végétales, le soja a l’inconvénient d’être peu produit en Europe, qui l’importe massivement.
Autre acteur du jeu, l’Agence nationale de sécurité sanitaire (ANSES) a, elle, rendu un avis défavorable. Elle estime que, pour éviter le « cannibalisme » entre espèces, l’industrie devra assurer une « herméticité » entre les lignes de production qui leur sont dédiées.
Et ce n’est pas le cas aujourd’hui. L’agence souligne aussi qu’il manque une procédure précise et fiable pour contrôler l’origine des Pat dans les aliments.
L’opinion publique s’alarme du retour de ces « nouvelles farines », mais elle ignore qu’elles sont déjà dans notre assiette, de façon indirecte. Les graisses animales, issues des mêmes déchets de viande que les Pat, ont en effet été réautorisées dans l’alimentation animale en 2003-2004. Elles trouvent des débouchés dans la nourriture pour les animaux de compagnie et l’oléochimie-savonnerie.
En France, les distributeurs, labels et autres AOC les proscrivent de leurs cahiers des charges. Car tous craignent la réaction des consommateurs. Mais qu’à cela ne tienne ! Les fabricants les exportent vers les autres pays de l’Union européenne. Jusqu’à ce qu’elles nous reviennent.
Nourris de ces graisses achetées dans l’Hexagone, les porcs espagnols ou allemands fournissent le gras dur qui sert à fabriquer… le saucisson français. Sans même déroger à la réglementation ou à une démarche qualité.

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